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« La Haine » : 25 ans après que sont-ils tous devenus ?

« La Haine » : 25 ans après que sont-ils tous devenus ?

Inconnus ou presque à l’époque, les membres du casting ont chacun accompli leur petit bout de chemin…

Inspiré par le décès en 1993 du jeune Makomé M’Bowolé, 17 ans, dans un commissariat du 18ème arrondissement de Paris, La Haine se veut au départ un film sur les violences policières plus qu’un film sur la banlieue.

Public et critique en décident cependant autrement.

Aujourd’hui considérée comme le classique du genre en France, il serait toutefois assez injuste de réduire la deuxième réalisation de Matthieu Kassovitz à sa dimension sociale et politique.

Drôle, inventif, esthétique, rythmé… si La Haine se regarde toujours aussi bien 25 ans après sa sortie c’est aussi et surtout pour ses qualités artistiques sans pareil.

Ça et puis bien sûr les personnages (et leurs répliques) tous rentrés depuis dans la légende.

Quasi débutants au moment des faits, aujourd’hui cinquantenaires, les acteurs sont-ils devenus ce qu’ils auraient dû être ?

La réponse en portraits.

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Vincent Cassel (Vinz)

Mec le plus cool du cinéma français, le fils de l’acteur Jean Pierre Cassel/grand frère de Rockin’ Squat/demi-frère de l’actrice et chanteuse HollySiz s’est très vite fait une spécialité de jouer dans des films plus osés que la moyenne.

Dobermann en 1997 qui provoque le scandale pour sa supposée « ultraviolence », l’adaptation psychédélique de la bande dessinée Blueberry sept ans plus tard toujours sous la direction de Jan Kounen, Irréversible en 2002 de Gaspar Noé qui met en scène une histoire de viol et de vengeance, le très cru Sheitan en 2006 qui initie ses collaborations à venir avec les membres du collectif Kourtrajmé (Notre jour viendra, Le Monde est à toi…), sans oublier le diptyque Mesrine qui en 2009 lui a valu de glaner le César du meilleur acteur.

Il lui arrive également de se faire voir du côté d’Hollywood, et pas seulement dans le rôle du Frenchie de service comme dans les Ocean de Steven Soderbergh, lui qui a tourné à plusieurs reprises avec David Cronenberg (dont Les Promesses de l’ombre en 2007), Darren Aronofsky ou Danny Boyle.

International toujours, cet amoureux du Brésil peut être vu au générique de plusieurs métrages locaux comme À Deriva (2009), O Filme da Minha Vida (2017) et O Grande Circo Místico (2018).

Côté cœur enfin, après nous avoir fait croire à l’amour éternel 17 durant avec Monica Bellucci, le couple s’est séparé en 2013, non sans voir entretemps été à l’affiche ensemble d’une demi-douzaine de films (L’Appartement, Agent Secrets, Le Pacte des loups…).

Remarié en 2018 avec le mannequin Tina Kunakey (coucou Florence Foresti), il poste régulièrement des photos en sa compagnie sur Instagram, le plus souvent sur une plage ou en train de surfer.

Sinon pour en revenir à Vinz’, le personnage a été ressuscité en 2016 à l’occasion du court métrage Violence en réunion (manutentionnaire le jour, la nuit il nargue la police vêtu d’une burqa), tandis que l’année dernière Cassel a vendu son blouson porté dans le film afin de lever des fonds pour des associations caritatives. Mis aux enchères pour 1 euro sur Ebay, il a été acheté 50 000 euros par DJ Snake.

Saïd Taghmaoui (Saïd)

Nommé aux Césars dans la catégorie meilleur espoir masculin pour son premier rôle sur grand écran, il a ensuite rempli son cœur d’amour pour s’exiler aux États-Unis et y démarrer une carrière internationale.

La raison ? Comme il l’expliquait encore en 2018, « entre le copinage et les clichés, il ne reste que le rôle du guignol de service ou celui du black préféré des Français ».

Bien lui en a pris puisque depuis il enchaîne les superproductions que ce soit sur grand écran (Les Rois du désert avec George Clooney, Mark Wahlberg et Ice Cube en 1999, Spartan de David Mamet en 2004, G.I. Joe : Le Réveil du Cobra en 2009, Wonder Woman en 2017…) ou à la télévision (César dans la série Lost, un rôle récurent dans la saison 3 de Strike Back...).

Malgré son obtention de la nationalité américaine en 2008, celui qui en 2001 avait interprété le séducteur des rues Fabio dans Confession d’un dragueur n’écarte absolument pas l’idée d’un retour dans l’Hexagone si l’occasion « de faire les bons trucs » se présente.

Toujours en phase avec la culture rap (et pas seulement pour son clash par réseaux interposé avec Booba en 2017), il est apparu dans de nombreux clips des deux côtés de l’Atlantique Alibi Montana, Niro, A$AP Rocky dans Money Man/Put That On My Set dont le visuel est très inspiré de La Haine, etc.

Très actif sur Twitter, il poste régulièrement des vidéos de lui en train de boxer (à 17 ans il avait été sacré vice-champion de France en anglaise) et tacle ces derniers temps régulièrement Vincent Cassel, alias « le plus hypocrite de tous », dans le cadre de la campagne de promotion de l’autobiographie qu’il compte publier à la rentrée prochaine.

Hubert Koundé (Hubert)

Cas de figure un peu similaire à Saïd Taghmaoui puisque ce n’est faire injure à personne que de dire que comme lui Cousin Hub’ n’a pas la filmographie de Vincent Cassel.

Premier rôle du premier film de Mathieu Kassovitz en 1993 (Jamal Saddam Abossolo M’bo dans Métisse), son César du meilleur espoir masculin ne lui a permis ensuite de tourner qu’au rythme d’un petit film par an (la comédie Restons Groupés avec Emma de Caunes en 1998, Comment j’ai tué mon père en 2001, The Constant Gardener avec Ralph Fiennes et Rachel Weisz en 2005….).

Absent du grand écran entre 2005 et 2012, Hubert Koundé se refait la cerise sur le petit écran à coup de téléfilms et de séries : dans Plus Belle la Vie sur France 3 il incarne Étienne 13 épisodes durant, dans Braquo sur Canal + il est tireur d’élite, se fait remarquer en tueur dans Pigalle la nuit, joue Jean-Jacques Dessalines, l’un des acteurs de l’indépendance d’Haïti, dans Toussaint Louverture

Désireux de créer ses propres opportunités, il s’est en parallèle lancé derrière la caméra avec tout d’abord deux courts métrages où il officie également comme scénariste (Menhir en 1998, puis Qui se ressemble s’assemble en 2000) avant de franchir le pas du long en coréalisant Paris la métisse en 2005.

Discret dans les médias car de son propre aveu « n’aimant pas parler de lui quand il n’a rien à dire », Koundé continue de s’investir auprès de la jeunesse des banlieues sans nécessairement le faire savoir.

Mathieu Kassovitz (le skinhead)

Autre enfant de la balle (réalisateur, son père Peter lui a mis le pied à l’étrier, sa mère était monteuse), il est dès la sortie de La Haine étiqueté petit prodige en devenir.

Son essai suivant, Assassin(s) dans lequel Michel Serrault jouer un tueur froid et méthodique divise fortement, au point de se faire siffler au Festival de Cannes, lui qui deux ans plus tôt y était pourtant encensé.

Les Rivières Pourpres en 2000 lui vaut de s’embrouiller pour toujours avec Vincent Cassel de décrocher son ticket pour Hollywood quand après avoir vu le film dans un avion, le producteur Joel Silver (Die Hard, L’Arme fatale…) l’engage pour Ghotika où il dirige Halle Berry et Penelope Cruz.

Cinq ans plus tard il remet le couvert avec le thriller futuriste Babylon A.D. qui vire au ratage complet pour cause de problèmes de budget et de relation exécrable avec Vin Diesel – à ce titre le documentaire Fucking Kassovitz sur les coulisses du tournage vaut largement le détour.

En 2011 il signe son cinquième et dernier film depuis La Haine, L’Ordre et la Morale, qui revient sur la prise d’otages par des indépendantistes Kanaks de 27 gendarmes mobiles entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988. Déception au box-office, il n’est en sus nominé qu’une seule fois aux Césars, ce qui vaut à Kassovitz de tweeter : « J’enc*le le cinéma français. Allez vous faire bai*** avec vos films de merde ».

Car oui Kassovitz c’est aussi au fil du temps toute une série de clashs et de polémiques qui n’engagent que lui, qu’il s’agisse donc de traiter Vin Diesel de « pompe à vélo » dès qu’un micro lui est tendu, de remettre en cause la version officielle du 11 septembre, de s’en prendre à Véronique Genest, Yann Moix ou Nicolas Dupont-Aignan, de féliciter les braqueurs de Kim Kardashian ou encore d’appeler à voter Macron.

Comédien prolifique avec une quarantaine de rôles à son actif, il a été vu chez Costa-Gavras (Amen), Jean-Pierre Jeunet (Le Fabuleux destin Amélie Poulain), Steven Spielberg (Munich), Jacques Audiard (Regarde les hommes tomber pour lequel il a reçu le César du meilleur espoir masculin, Un héros très discret) et bien évidement dans la meilleure série française de tous les temps, Le Bureau des légendes.

Ironie du sort, cette dernière lui a valu de se faire féliciter par les agents de la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure), là où La Haine avait été qualifié en 1995 de « diatribe anti-flics » par les forces de police.

Un temps intéressé pour réaliser La Haine 2, Mathieu Kassovitz se rétracte estimant qu’un tel projet n’apporterait rien, d’une part parce que « les infos disent tout et font très bien le travail », et de l’autre parce que les problèmes actuels sont désormais sans commune mesure.

« À une époque on pouvait encore voir une certaine beauté dans la violence mais aujourd’hui je ne peux plus excuser ces gens-là. J’ai toujours excusé les casseurs, les gens qui se battaient contre le système… Mais là, c’est plus possible. »

Cut Killer

Une bonne fois pour toute : non il n’est pas dit « assassins de la police » dans son mix joué pendant qu’un mini-hélicoptère téléguidé survole la cité. Il s’agit en réalité d’une illusion sonore habilement obtenue en samplant le morceau Sound of da Police de KRS One – qui soit dit en passant ne rappe pas non plus « assassin on te fait la bise » dans la seconde partie du refrain.

Pote avec Mathieu Kassovitz qu’il a rencontré quelques années plus tôt sur les terrains de basket de la capitale, Anouar Hajoui de son vrai nom voit sa carrière de disc-jockey décoller après cette séquence devenue culte.

En 1996 il dévoile le premier volume des Hip Hop Soul Party, ces doubles CD mixés dont le concept évolue à chacune des six éditions (ajout d’inédits, séparation entre rap US et rap FR…).

Dans la foulée il fonde Double H, une structure qui dans un premier se veut un collectif de DJ avant de se mouvoir en société de merchandising, puis en label de production à part entière.

Parmi les sorties les plus remarquées, on retient la compilation Opération Freestyle en 1998 entièrement consacrée à la scène underground hexagonale, le Cut Killer Show et bien sûr l’album Les Princes De La Ville du 113.

En parallèle, il s’implique dans divers bandes originales de films comme The Dancer produit par Luc Besson, Gamer de Zak Fishman ou La Squale qu’il compose de A à Z.

Très demandé aux quatre coins du globe, il se produit régulièrement aux États-Unis grâce à son affiliation aux collectifs DJ Big Dawg Pitbulls de Funkmaster Flex et Shadyville DJ’s de 50 Cent.

Sinon il arrive à l’occasion au « DJ le plus emblématique du hip hop français » (dixit la bio de son site officiel) d’animer un mariage histoire de dépanner des potes en galère comme Tony Parker ou Luc Besson.

Édouard Montoute (Darty)

Connu du grand public pour son rôle récurent dans les cinq films de la franchise Taxi, le comédien d’origine guyanaise a brièvement retrouvé Mathieu Kassovitz en 2002 dans Astérix et Obélix : mission Cléopâtre – la punchline « ce tombeau sera votre tombeau » c’est lui.

Vu principalement dans des comédies (Antilles sur Seine de l’Inconnu Pascal Légitimus, Les gens en maillot de bain ne sont pas (forcément) superficiels, Enfermés dehors d’Albert Dupontel, Stars 80 la suite…), il sait à l’occasion changer de registre que ce soit avec Femme fatale de Brian De Palma en 2002, Les Petits Mouchoirs de Guillaume Canet en 2010 ou la série David Nolande.

Très présent à la télévision, son CV est également achalandé de quelques spots publicitaires dont le fameux T’as craché dans ton Yop en 1996 avec Julien Courbey.

François Levantal (Astérix)

Paréo, nunchaku et lignes de coke, il n’en pas fallu plus à l’interprète de Snoopy (la traduction dans les versions doublées) pour se spécialiser dans les rôles de tarés, psychopathes et autres petites frappes (Zonzon, Les Lyonnais, Quasimodo d’El Paris, L’Affaire Pierre Chanal, Braquo, etc.).

« J’ai joué les pires enculés : je suis mort 75 fois, j’ai tué 210 personnes par empoisonnement, chute de fenêtre, écrasement de voiture, flingues… Mais bon le rôle d’un méchant c’est quand même vachement agréable. Comparé à de la sculpture, t’as de la matière. Sans méchant crédible dans une histoire, ça ne tient pas debout. »

Sollicité par la nouvelle génération de réalisateurs, il recroise régulièrement ses partenaires de La Haine au gré des tournages : Cassel dans Dobermann, Taghmaoui dans Confession d’un dragueur, Montoute dans David Nolande, Kassovitz dans Assassin(s) et Les Rivières pourpres

Banlieue toujours, il a pu être entendu dans le film d’animation Lascars en 2009 et vu dans Les Kaïra de Franck Gastambide en 2012.

Interrogé en 2015 sur un possible La Haine 2, Levantal admet qu’une suite n’aurait pas grand chose à voir avec l’original en raison de l’importance prise par la religion : « Aujourd’hui, tu fais La Haine 2, je pense que ce serait une vraie, vraie, vraie haine. Avec des confrontations religieuses entre communautés. (…) Je n’aurais jamais pensé qu’un jour la société française se retrouverait confrontée à ce genre de problèmes. »

Tadek Lokcinski (le type qui sort des toilettes)

Au panthéon des scènes de film se déroulant aux toilettes (Reservoir Dogs, Trainspotting…), le monologue sur « Grunwalski » marque la seconde et dernière apparition de Tadek Lokcinski au cinéma, lui qui avait effectué ses débuts devant la caméra deux ans plus tôt dans Métisse.

Tandis qu’aucune information n’existe quant à ce qu’il est devenu, profitons-en pour nous pencher sur le sens de sa tirade qui, au même titre que l’existence réelle ou supposée de la vache ou la question de savoir qui survit à la fin, demeure encore et toujours un mystère.

Parmi les interprétations possibles, on peut imaginer que là où le train symbolise la cité, Grunwalski sert lui à établir une analogie avec Vinz qui bien que dans la même galère qu’Hubert se prend tout seul les pieds dans le tapis.

Tiraillé entre l’impératif de survie (attraper le train/rester dans le droit chemin) et sa fierté personnelle (remonter son pantalon/venger Abdel), à force de refuser l’aide de son ami il s’achemine tout droit vers un destin similaire, tandis qu’Hubert, comme le narrateur, est celui qui finira par s’en sortir.

Ou alors, il s’agit tout simplement d’une ode aux plaisirs simples (chier un bon coup) dans un monde où tout n’est certes pas parfait mais qui vaut quand même toujours mieux que le goulag stalinien.

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