Jean-Claude Van Damme, Kaaris, le cinéma américain… Le cinéaste n’a éludé aucun sujet !
Prendre Jean-Claude Van Damme pour en faire un homme sensible sous sa carcasse, c’est ce qu’a fait Julien Leclercq dans sa dernière production, Lukas. Un long-métrage dans lequel il utilise évidemment la puissance du célèbre acteur, mais également des facettes qu’on lui connaît peu. Un tour de force parfait pour causer de vengeance, le tout dans une ambiance sombre à souhait..
Alors que le film est sorti dans les salles obscures, rencontre avec le réalisateur qui a notamment fait débuter Kaaris au cinéma. Julien Leclercq, un autodidacte aux idées claires, mais jamais arrêtées…
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Après Braqueurs, tu arrives avec un film toujours aussi impactant, qui laisse une certaine place à la violence…
Moi en réalité, je suis un gros nounours. Du coup, j’en profite. Evidemment, j’adore les polars, les thrillers. Je ne ferai pas ça toute ma vie, mais c’est vrai que là ça s’enquille comme ça. Là, il y avait une belle histoire et l’opportunité de le faire avec Jean-Claude. Le but, c’est de l’inscrire dans un registre assez différent, à côté de ce qu’il avait l’habitude de faire. Après Braqueurs, je pouvais faire un truc dans le même ADN et ramener une icône qu’on a tous kiffé. Je me suis dit qu’il fallait le durcir, l’abîmer un peu, plus l’habiller aussi et pas le foutre constamment torse nu.
Je me suis dit qu’il fallait durcir Jean-Claude Van Damme, l’abîmer un peu
On a d’ailleurs l’impression que Lukas est, non pas un film pour JCVD, mais bien un film avec JCVD.
C’est exactement ça. Ici la star, c’est le film. Mais c’est vrai que le premier jour de tournage a été marquant, parce que Jean-Claude, c’est aussi une armée d’assistants, une caravane de 22 mètres de long… Je lui ai dit un truc dès le début : « Rien ne sera plus fort que le film. Donc viens, mets toi à poil, et tu verras, tu seras bien loti ».
Tu as réussi à l’emmener dans ton univers. D’ailleurs, tu disais chez France 2 que cela faisait cinq films que Van Damme s’habillait de la même façon.
C’est clair. Au début, c’était difficile à comprendre. Lors des essais costume, il me disait « putain t’es pas cool avec moi ». Mais on sait qu’il est puissant, tout le monde le sait, je n’allais pas faire la même chose avec lui. Mes références étaient The Wrestler avec Mickey Rourke et Copland avec Silvester Stallone. On n’a pas besoin de se la raconter, on sait que quand Van Damme se tape, ça fait mal. J’avais besoin de rajouter plusieurs filtres, de la crédibilité, de la réalité, pour qu’on soit touché par ce mec. Ce qui m’amuse, c’est que même Christine Angot a kiffé le film chez Ruquier, alors qu’elle n’avait jamais vu aucun film de Van Damme. C’est ça qui est cool, quand tu présentes un film avec une icône cataloguée dans un registre précis, mais que tu pètes le truc. Dès le premier plan, il fallait tout oublier de JCVD. Par exemple, dans The Wrestler, Darren Aronofsky arrive à te faire tout zapper dès le premier plan alors que Mickey Rourke est abonné aux films de série Z depuis 10 ans. Tu vois ce vieux catcheur abîmé et brutal… Je rêvais de faire ça avec lui. On était bébé que JCVD faisait déjà des films et des millions de dollars, donc il fallait lui faire une vraie proposition pour casser un peu ça. Je n’ai jamais abordé Jean-Claude comme un fan, sinon ça ne fonctionne pas. Mais ça fout une pression d’avoir un acteur comme lui, il faut que ton film soit réussi.
Il y a un deuxième personnage qui nous intéresse particulièrement chez Booska-P, celui de Kaaris…
Kaaris, c’est avant tout un ami. Tout le monde le connaît en tant que rappeur, mais on parle très peu de rap tous les deux. Il m’explique quelques trucs de temps en temps, évidemment… On est des amis quoi ! Je n’en ai pas beaucoup, de vrais potes et lui, c’est vraiment quelqu’un de bien. Je connais sa famille, je connais sa fille. Le film Braqueurs, ça a été une vraie rencontre. Là, ce n’est pas pareil, les méchants étaient des Flamands. Mais je ne pouvais pas ne pas le mettre dans le film, du coup il est venu sur le tournage pendant quatre jours pour faire le collègue de travail de Jean-Claude. Il était comme un fou.
On a un film très personnel, très intimiste, où tout se ressent à travers les yeux du personnage principal, il fallait une musique électronique
Sur les plateaux de tournage, est-ce que ça écoute du gros son une fois les journées terminées ?
Ouais, chez certains ça n’arrête pas. Kaaris par exemple, il écoute ça à fond dans sa grosse bagnole. Il y a toujours du son autour de lui ! Il écoute de tout, mais surtout beaucoup de rap. Il me fait également découvrir des rookies, il les appelle ses « petits frères ». Mais mon problème, c’est que je ne me souviens jamais des noms.
Et pour les bandes originales, ça ne t’inspire pas ?
Tout dépend du film que tu réalises. Tu ne peux pas mettre du rap dans tous tes projets. Avec Lukas, on a un film très personnel, très intimiste, où tout se ressent à travers les yeux du personnage principal, il fallait une musique électronique. Quelque chose qui rime avec le cardio, un peu comme dans Drive.
Le fait d’avoir été un autodidacte, cela t’a servi dans ta carrière ?
Je ne pense pas. Ce qui joue, c’est ta manière d’appréhender ton métier et les gens. Quand tu arrives et que tu ne connais personne, que tu n’as rien à perdre, puis que tu as faim… Cela te forge. Je ne suis pas héritier et grâce à mon parcours, j’aurais dix fois plus d’admiration venant d’un mec qui est parti de rien. C’est long et compliqué, ça prend énormément de temps et d’énergie. J’ai l’impression qu’au bout d’un moment, après 10 ou 15 ans de carrière, les gens se retrouvent. Avec Kaaris, on a ce truc en commun d’être parti de rien. J’ai grandi à la campagne, lui en cité, mais on a plein de points communs. On avait ce truc-là, ces rêves de faire certaines choses pour les bonnes raisons. On a tout fait pour y arriver. Je parle de Kaaris, mais je peux aussi citer Sami Bouajila ou Jean-Claude Van Damme. Tu ne deviens pas star par hasard, connu oui, mais pas star. JCVD, ça fait 35 ans qu’il fait des trucs incroyables, ce n’est pas un hasard si tu trouves des posters de lui partout dans le monde.
J’ai été baigné par les VHS puis les DVD américains, je te mentirais si je te disais que j’ai été biberonné aux films de François Truffaut
Dans le genre « trucs incroyables », il y a cette scène du fight dans un sous-sol…
C’était assez dingue. Au bout de plusieurs heures de tournage, j’ai capté qu’il avait un élastique couleur chair autour de deux doigts. En fait, il s’était cassé le doigt la veille, mais il ne l’a dit à personne ! Comme c’était le dernier jour de tournage, il a assuré qu’il voulait le faire comme ça. C’est lors d’une baston avec Diakité, qui est pour le coup un vrai videur, qu’il s’est cassé le doigt. Il n’a ressenti la douleur que le lendemain, c’est assez incroyable. C’est une locomotive, un moteur sur les plateaux. Les cascadeurs présents avec nous, âgés de 35 à 40 ans, ont tous grandi avec lui. Les mecs me disaient : « c’est le plus beau jour de ma vie, je vais me taper avec Van Damme ». Au début, ils n’osaient pas ! Même Jean-Claude leur disait « vas-y frappe moi » ! A l’image, le rendu est top, Jean-Claude a travaillé avec une vraie bienveillance.
On a fait un parallèle avec Van Damne dans la discussion… Est-ce que comme lui, tu pourrais travailler aux Etats-Unis, pour pourquoi pas prendre les rênes d’un blockbuster ?
Je n’en rêve pas la nuit, mais après, on verra ce qui se passera naturellement. Cela tend vers ça. Je pense que quand tu pars trop tôt, tu ne fais que des blockbusters. Les quelques français qui ont franchi la frontière sont tous revenus ou presque. Il y a Louis Leterrier qui est bien établi là-bas, qui travaille sur de gros projets. Dans l’idée, j’aimerais bosser sur des films comme les Jason Bourne. En gros, cela veut dire tourner en Europe, mais en langue anglaise pour que ça s’exporte, avec notamment une star américaine… Et se dire que tu peux le financer et le produire.
Pour terminer, on peut dire que c’est une véritable liberté pour toi de produire tes propres films.
Je produis mes propres films en compagnie de mes associés. Cela fait quatre films que ça fonctionne comme ça. Aux Etats-Unis, je ne pourrais qu’être réalisateur et pas producteur, c’est déjà moins de libertés. Je préfère avoir un peu moins d’argent et faire ma cuisine. Lukas, on l’a par exemple tourné en six semaines, ce qui est très court pour un film d’action. En général, six semaines, c’est un champ contre-champ à Saint-Germain-des-Près. C’est une double casquette qui te permet de faire ce que tu veux, mais qui est épuisante. Mais bon, c’est comme un mec qui gère sa PME. Cela te rend beaucoup plus responsable et je pense qu’un metteur en scène doit l’être. Que ce soit au niveau du temps et de l’argent. J’ai été baigné par les VHS puis les DVD américains, je te mentirais si je te disais que j’ai été biberonné aux films de François Truffaut. Cela se ressent, il faut prendre des risques. Quand j’ai annoncé que j’allais faire un film avec Van Damme, certaines personnes étaient dubitatives. Maintenant elles sont comme des piles devant le trailer. C’est ça qui est excitant. Christine Angot, c’était improbable. Pourtant, j’avais déjà les deux sabres cachés dans le dos, comme Deadpool !