Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à ce jour où le rappeur le plus pop de sa génération y est allé de son hymne à la basket présidentielle…
Au début des années 2000, la panoplie de tout rappeur en vogue qui se respecte se compose pour le meilleur et pour le pire d’un do-rag, d’un jersey quadruple XL, d’une marque de textile à son nom et d’une paire d’Air Force One.
Créée en 1982 par un certain Bruce Kilgore, il s’agit là de la toute première chaussure de basketball équipée d’une bulle d’air. Si progrès de la technologie oblige, deux décennies après les faits plus personne ne les porte sur un terrain, dans la rue la donne est tout autre : cour de lycée, clubs, centres commerciaux, clips… les AF1 ont colonisé l’espace public comme aucune autre sneaker avant elles.
Un succès qui s’explique notamment par son design intemporel, mais aussi par une diversité de coloris quasiment illimitée – les « white on white » restant tout de même le must absolu.
Le modèle sera très vite recopié à la chaîne, de Lugz à Bape en passant par Reebok, dont la légende veut que la marque ait ensuite sorti les I3 Pressure dans le seul et unique but d’empêcher leur signature star maison Allen Iverson de porter des Air Force à tout bout de champ.
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Un délire entre potes
Si comme toujours avec les modes il est difficile de déterminer qui est l’œuf et qui est la poule, il est certain que ce raz-de-marée n’aurait pas été le même sans Nelly, qui accompagné de ses St. Lunatics Kyjuan, Ali et Murphy Lee, a dédié un morceau entier à sa paire préférée : le bien nommé Air Force One.
[Notez que Nelly Nell n’est évidemment pas le premier rappeur à mentionner le modèle dans ses textes, Jay Z, Ludacris ou encore Xzibit l’ont fait avant lui.]
Avant de s’établir comme un phénomène culturel, le titre est né d’une plaisanterie entre les membres du crew.
« On avait ce beat d’un producteur à nous, on le jouait dans le vestiaire alors que nous nous préparions pour un concert… Nous parlions des achats faits par ma sœur pour le show (elle était ma styliste à l’époque), probablement de toutes nouvelles Air Forces, et Murph [Murphy Lee] était là à dire ‘T’aurais dû m’en rapporter deux paires’. Nous avons commencé à en rire entre nous, et à intégrer cette phrase au refrain. »
La ligne « I said give me two peerrrs (cause) I need two peerrrs » traduisant ici à merveille cette peur chronique qu’ont tous les possesseurs de sneakers un tant soit peu soucieux de leur apparence de voir leurs baskets tâchées, ou pire éraflées.
« C’est plutôt marrant quand on y repense. Pour nous la famille passe avant tout, et niveau inspiration quand nous sommes entre nous cela se ressent. Je ne suis pas en train de dire que d’un coup nous nous mettons à faire les clowns, mais nous sommes plus relax. »
Présent sur Nellyville, le second album du rappeur vendu à plus de 6 millions d’exemplaires, le titre se classe à l’automne 2002 troisième des charts et numéro 1 du top rap.
Le clip est évidemment à l’avenant. Sapés en peau de pêche Vokal (because 2002…), Derrty Mo et toute sa clique se lance à cœur joie dans une séance de shopping à faire baver n’importe quel sneakers addict, tandis que défilent à la chaîne des featurings du cru – les athlètes pro Marshall Faulk, Torry Holt, D’Marco Farr, Ray Lankford et Ozzie Smith, mais aussi Birdman et Mannie Fresh qui passaient par là.
Étonnamment, la vidéo comporte au final très peu d’images desdites Air Force (ces dernières sont filmées très rapidement de côté, quand le swoosh ou la marque ne sont carrément pas floutés), la maison de disques craignant à l’époque que cela bloque la diffusion du clip.
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Qui a dit aliénation ?
Dans la droite lignée du sillon tracé par le My Adidas des Run DMC sorti une quinzaine d’années auparavant, l’hymne de Nelly brouille encore un peu plus la frontière entre musique de masse et consommation… à la plus grande satisfaction des publicitaires.
Quoi de plus efficace en effet pour une entreprise que de voir l’un de ses produits assimilé à une culture, et ce à tel point que ce dernier devienne un prérequis pour en définir l’identité ?
Ici Nike après des années de sponsoring ciblé voient l’un de ses innombrables rejetons (et accessoirement l’un des artistes les plus populaire de son temps) non seulement rapper sans une once d’ironie son amour d’une basket, mais aussi encourager son public à l’acheter en autant d’exemplaires que possible.
Après ce coup d’éclat, Nelly, qui entretemps l’a fait un peu à l’envers à tout le monde en allant signer un deal chez Reebok (loi du karma, sa collection finira dans les bacs à solde en un rien de temps), tente à nouveau de tirer sur la ficelle.
En 2005, il sort ainsi non sans succès Grillz, un morceau qui surfe sur la vague des chicots en or, puis en 2008 Stepped On My J’z qui rend hommage aux Jordan du grand Mike, mais cette fois-ci avec un peu moins de succès – n’est pas Miley Cyrus qui veut…
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