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Lil Yachty vient-il de sortir le pire album de l’année ? [CHRONIQUE]

Lil Yachty vient-il de sortir le pire album de l’année ? [CHRONIQUE]

Avec Teenage Emotions, le rappeur donne du grain à moudre à tous ses haters…

Lil Yachty ou le rappeur qui polarise le plus les débats depuis son irruption dans le game en 2016 avec son duo de mixtapes Lil Boat et Summer Songs 2.

Plus connu pour ce que les autres pensent de sa musique que pour sa musique elle-même, l’autoproclamée « voix de la jeunesse » saute enfin dans le grand bain avec son premier album Émotions Adolescentes, et ce à quelques semaines à peine de la fin de sa vie de teenager – il fêtera son vingtième anniversaire au mois d’août prochain.

Si avant même d’écouter la première piste, pour certains, la tentation est grande de lui jeter la pierre, le P’tit Bateau mérite pourtant que l’on s’attarde sur son cas. Certes, il a beau parfois tendre le bâton pour se faire battre (comme lorsqu’il déclare que Biggie est « surestimé »), il n’en incarne pas moins une certaine couleur, une certaine sensibilité très actuelle.

Que passent donc leur chemin ceux dont son sens de la musicalité aussi bubble-gum que cartoonesque irrite, Lil Yachty ne s’adresse aucunement à eux. Est-il encore besoin en 2017 de rappeler la diversité du rap et de son public, ou plus exactement de ses publics ?

Personne ne nie que ses premiers projets comportaient leur lot de lacunes (et pour cause il s’agissait effectivement de premiers projets), mais comment ne pas trouver énergiques et entêtants des titres comme Minnesota ou One Night ?

Le passage au format album aurait ainsi pu jouer encore plus à fond cette carte. Teenage Emotions aurait pu être ce genre de disque feel good, ce genre de disque sucré et sans prise de tête où chacun vient trouver sa dose de divertissement aussi « aquouarde » soit-elle.

Et puis en fait non, loin de là. Très loin de là même.

LIL YACHTY C’ÉTAIT MIEUX AVANT ?

Le grand problème de TE vient essentiellement de la volonté de son auteur de vouloir plaire à tout le monde, comme si les critiques dont il a fait l’objet l’avaient affecté bien au-delà de ce qu’il a bien voulu l’admettre.

Une situation pour le moins paradoxale tant Yachty exacerbe sa supposée « différence », sa volonté « d’être soi-même » – sans jamais que l’on sache quelle identité cela recouvre, mais bon…

Là où le titre promet toute une palette de nuances, la seule émotion mise en avant est celle pour le coup très adolescente d’un type qui ne sait pas vraiment ce qu’il veut.

Long de 20 titres et 70 minutes, l’album affiche zéro cohérence : aucun morceau ne ressemble à un autre, aucun producteur n’est crédité plus d’une fois, aucun des membres de sa « boat family » n’est invité (pas même la très douée Kodie Shane ou son compère de toujours TheGoodPerry)…

Plus grave encore, Lil Yachty se prend désormais terriblement au sérieux, oubliant complètement la part de fun et d’insouciance qui a fait son succès, comme si la célébrité l’avait déjà rattrapé.

Alors bien sûr, tout artiste ne se limite évidemment pas à une seule facette. D’un projet à l’autre, la direction peut évoluer. Sauf qu’ici, le pari est raté à tous les étages.

À quoi bon chercher à kicker quand on a du mal ne serait-ce qu’à rapper dans les temps (X Men) ? À quoi bon chercher à punchliner quand c’est pour balancer « There’s piss all on the floor, bitch, go clean it up. » (DN Freestyle) ? À quoi bon chercher à imiter le Kanye West de 808s & Heartbreak quand même avec l’autotune on chante faux (Bring It Back) ?

PERDU EN HAUTE MER

Symbole de ce naufrage, le lead single Peek A Boo.

Outre son refrain qui n’en est pas un (okay le hip-hop se base en grande partie sur la répétition, mais de là à ânonner en boucle une expression de cour de maternelle), Yachty dégaine « My new bitch yellow / she blow that dick like a cello » – soit plus ou moins : « Ma nouvelle bitch est toute jaune / elle souffle dans cette b*te comme dans un violoncelle ».

Misogynie mise à part, il sera difficile de faire pire rime en 2017 : le violoncelle n’étant pas un instrument à vent, tout cela n’a aucun sens. Pas étonnant que dans le clip, même Take Off des Migos ait l’air de s’endormir.

Et tout l’album est à l’avenant. Rien ne parait naturel ou sincère, tout est pose et carton-pâte. Petit exploit, les titres les plus inécoutables en début de tracklist finissent même par devenir passables une fois mis en comparaison avec ceux qui suivent.

Avant de vouloir être connu et aimé de tous, de devenir « une marque » qui dépasse le cadre de la musique, peut-être serait-il judicieux pour Lil Yachty de se poser la question de ce qu’il a à offrir au monde, de ce qu’il a à lui dire. S’il veut durer plus d’un saison dans le game, c’est à lui d’y répondre.

En attendant, avec 43 000 petites unités écoulées (dont 18 000 à peine en physique), Teenage Emotions s’est vautré dans les grandes largeurs en première semaine. Comme quoi, la vie n’est pas toujours injuste.

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