Parce que les idoles ont elles aussi leurs idoles…
À observer de près comme de loin le rap jeu, difficile de ne pas confondre ce dernier avec un championnat tant les emcees mettent un point d’honneur à se tirer la bourre en permanence.
Qu’il s’agisse de rimer jusqu’à plus soif sur l’étendue de leurs patrimoines, la taille de leurs flingues, leurs ventes, la qualité de leur herbe, le nombre de leurs b*tches et bien sûr leurs capacités au micro, tout est bon pour grimper devant les autres sur la première marche du podium.
Bien que cette course à l’égo n’autorise aucun temps mort, il existe néanmoins une exception de taille à la règle où chacun est en droit de faire preuve (d’un peu) de modestie : l’éternel débat pour déterminer qui est le plus grand rappeur de tous les temps – alias le GOAT, alias l’émoji chèvre sur les réseaux, alias le Greatest Of All Time.
Tandis que la question est réputée pour échauder les esprits du public en moins de temps qu’il en faut pour la poser, chez les artistes le débat est tout aussi épineux, et ce d’autant plus que s’il est un genre musical qui aime à parler de lui-même c’est bien le rap.
Partons donc pour un petit tour d’horizon des déclarations des uns et des autres sur le sujet, tout en gardant à l’esprit que les avis peuvent évoluer avec le temps.
À LIRE AUSSI
Les 13 types de fans de rap les plus relous [DOSSIER]
Pour Travis Scott c’est Kid Cudi
Dire de Cudder qu’il est le rappeur préféré de La Flame relève de l’euphémisme tant l’auteur d’Astroworld se montre des plus enthousiastes à chaque fois qu’il évoque « son super-héros ».
« De toute ma carrière, tout ce que j’ai toujours voulu, c’est me faire accepter par Kid Cudi. Je me moque du reste. Ce type m’a sauvé la vie. Il m’a empêché de faire un paquet de conneries, grâce à lui, je suis resté sur le bon chemin. C’est pour cela que je fais de la musique, c’est pour ça que je me donne tant pour les fans – ce mec m’a transmis sa passion, il m’a montré comment grandir et devenir ce que je voulais être. »
Et lorsqu’en 2015 au cours de l’enregistrement de Rodeo, Travis rencontra enfin son idole. Outre le fait que ce jour-là, il fondit en larmes, il estime depuis que « sa vie est complète ».
Les deux hommes ont depuis collaboré ensemble, tout d’abord en œuvrant dans l’ombre sur La Vie de Pablo de Kanye West, puis en enregistrant en bonne et due forme le duo Through The Late Night… une réinterprétation du hit Day N’ Night de Cudi sorti sept ans plus tôt.
Pour 50 Cent c’est KRS-One
Si en 2015 sur le hit éternel de The Game Hate It Or Love It, Fiddy confessait que « son rappeur favori chantait check check out my melody » (il parlait alors de Rakim qui avec son compère Eric B avait sorti en 1987 My Melody), en interview, il a affirmé préférer une autre légende des années 80.
« KRS grâce à l’agressivité avec laquelle il s’est fait connaître sur The Bridge Is Over. Le hip hop a toujours été compétitif, défier son prochain a toujours fait partie de la culture, et lui il est arrivé avec toute cette énergie. »
Dans un autre registre, Fiddy-le-capitaliste a également déclaré que son compère Eminem était le meilleur tout simplement parce qu’il « vendait plus que les autres ».
Pour Jay Z c’est Notorious BIG
« B.I.G., il pouvait raconter une histoire, il pouvait être marrant, il pouvait aborder des sujets plus sérieux… Il avait tout. »
Shawn Carter n’a jamais caché son admiration pour celui avec qui il avait enregistré du temps de son vivant le certifié classique, Brooklyn’s Finest.
Tout au long de sa carrière, il va d’ailleurs multiplier les références à ses textes… quitte à se faire accuser de plagiat tant ses hommages respiraient parfois un peu trop le copié/collé plagiat (voir ici un inventaire des plus troublants).
Nas ne manquera d’ailleurs pas de lui faire remarquer lorsque dans son brûlot Ether, il lui demande sans prendre de gants « How much of Biggie’s rhymes is gonna come out your fat lips? ».
Pour Notorious BIG c’est Too $hort
S’étant un jour prêté au petit jeu qui consiste à noter de 1 à 10 ses contemporains, le Bad Boy avait quelque peu surpris son monde en donnant un petit « entre 4 et 5 » à son compagnon de label Craig Mack ou encore un 0 pointé à E-40, mais aussi en se montrant beau joueur en gratifiant ses rivaux de la côte ouest Snoop Dogg et MC Eiht d’un 8 – à titre de comparaison Redman et les Oukast n’héritaient eux que d’un 7.
Reste que seule une poignée d’élus méritait selon lui un 10/10 : ses confrères new-yorkais Nas, Jeru the Damaja, Guru la moitié de Gang Starr, et le roi des pimps de la Bay Area.
« Too $hort, c’est trop mon gars. J’adore ce renoi. Son album Cocktails est trop chaud. J’adore ce mec. »
Les deux rappeurs collaboreront ensuite sur The World Is Filled…, l’une des 24 pistes de son double CD posthume Life After Death.
Pour Drake c’est Phonte
Vaste sujet que celui des artistes qui ont influencé le Canadien au cours de sa carrière, la tête de gondole du crew OVO s’étant tout de même bâti une belle petite réputation d’aspirateurs de flows et de tendances depuis une décennie.
Parmi les plus évidents, on compte évidemment Lil Wayne dont il a le visage tatoué sur le corps, Andre 3000 d’Outkast qu’il considère comme un modèle, ou encore Kanye West sur qui il ne tarit pas d’éloges malgré leurs récentes embrouilles par réseaux sociaux interposés – et puis Pimp C, et puis Migos, et puis Soulja Boy, et puis D.R.A.M., et puis The Weeknd, et puis PNL…
Toujours est-il que le rappeur à qui il a le plus piqué à ses débuts n’est pas à chercher dans la catégorie des poids lourds du game, mais du côté d’un groupe pas toujours reconnu à juste valeur par le grand public : les Little Brother, un trio composé des deux emcees Phonte et Big Pooh et du beatmaker 9th Wonder.
« Dire de moi que je suis fan des Little Brother c’est enfoncer une porte ouverte. Dire de moi que je suis fan de 9th Wonder c’est encore pire. Et dire de Phonte qu’il est un bon rappeur, c’est me faire injure tant je le considère comme l’un des meilleurs de tous les temps. »
Si Drake et lui n’ont toujours pas collaboré à ce jour, ce dernier l’a tout de même adoubé comme son « favorite rapper » lorsqu’en 2010, il a posé le freestyle Get Over It sur l’une de ses instrus.
Pour Nas c’est Rakim
Bien qu’Esco ait porté aux nues à de nombreuses reprises de Kool G Rap et 2Pac, c’est au seul Rakim qu’il a dédié une biographie rappée en 2004 avec le morceau U.B.R.
L’hommage avait toutefois provoqué un début de polémique entre les deux hommes, le R s’étant non seulement plaint en interview que le N ne l’avait pas consulté auparavant, mais il s’était en plus senti gêné par le fait qu’aient été révélés certains détails de sa vie privée.
Rakim Allah et le God’s Son ne déterreront pas pour autant la hache de guerre, eux qui se connaissaient déjà depuis une bonne quinzaine d’années.
[Pour l’anecdote, avant de rentrer en clash avec Jay Z en 2001, Nas était allé prendre conseil auprès de son aîné.]
Pour Vince Staples c’est Lil Bow Wow
Pour beaucoup la décennie 90 est la décennie sacrée du rap. Pas pour Vince Staples qui « ne comprend pas pourquoi les gens lui accordent autant de crédit ».
Bon okay 2pac et Biggie étaient bien vivants à l’époque, mais fin observateur il fait remarquer qu’il n’y avait alors « ni 50 Cent, ni Kanye West ».
Né en 1993, pour le Californien écoute pour la toute première fois du rap en 2003 : « Le premier morceau que j’ai écouté c’était Bounce With Me de Lil Bow Wow. »
Pouvoir de la nostalgie oblige, Shad Moss est depuis « l’un de ses rappeurs préférés de tous les temps ».
« Et je ne dis pas ça à la légère. Bow Wow était chaud. Perso j’en ai marre qu’on la joue comme s’il n’était pas chaud. Le renoi avait des instrus de Pharrell, des instrus de Timbaland. Des mecs comme Jermaine Dupri, Snoop, TI et même Jay Z étaient derrière lui. Sérieux, comment peut-on nier qu’il était chaud ? »
Pour The Game c’est 2Pac et c’est Biggie, et puis c’est tout
En 2015 Billboard publiait un classement des dix meilleurs rappeurs qui en avait choqué plus d’uns, puisque qu’il excluait entre autre 2Pac, Ice Cube et Snoop – classement que vous pouvez retrouver ici.
Passablement échaudé par « la bande de fuck boys ignorants » responsable de ce papier, celui qui a fait de son amour du rap le fil conducteur de ses textes et de sa discographie propose alors son propre top 10.
« 1. 2pac & B.I.G 2. Nas 3. Rakim 4. Eminem 5. Jay-Z 6. Ice Cube 7. Snoop Dogg 8. Andre 3000 9. Jadakiss 10. Big L »
Conclue par un très cordial « rien à foutre de votre opinion », sa liste offre également une mention honorable à LL Cool J et KRS One.
Pour Wale c’est Black Thought des Roots
Connu pour ses goûts à parts, le rappeur MMG cite ici l’un de ceux que jamais personne ne cite.
Et pourtant avec 11 albums au compteur et une carrière qui s’étale sur plus d’un quart de siècle sans réelle baisse de forme, le cofondateur de l’un des plus grands groupes de rap ever devrait être de toutes les conversations.
Qualité de la plume, débit, capacité d’improvisation, présence scénique… le mec est tellement bon que certains vont jusqu’à lui attribuer la paternité du mumble rap, lui qui en 2004 marmonnait le refrain du single Don’t Say Nuthin’.
Black Thought ou le Tim Duncan du hip hop ?
Pour Kanye West c’est Kanye West
Blague à part (quoique…), avant même de se lancer dans le son Ye était archi fan de Mase. Il le dédicacera ensuite à longueur de textes dans la première partie de sa carrière, jusqu’à s’autoproclamer « meilleure version du Harlem Boy à égalité avec Fabolous » sur The Way That You Do.
Quelques années plus tard, il change cependant son fusil d’épaule lorsqu’il rentre en clash contre 50 Cent en déclarant que désormais son rappeur préféré se nomme… 50 Cent. Et d’ajouter : « C’est l’une des rares personnes que j’admire vraiment. En studio, j’étais tellement nerveux à ses côtés, tant j’espérais lui concocter la meilleure prod’ possible. »
Son album de chevet reste toutefois Bizarre Ride II the Pharcyde, le premier essai du groupe californien les Pharcyde, sorti en 1992.
Sinon pour ce qui est de la jeune génération, Mr. West apprécie tout particulièrement Lil Pump et 6ix9ine.
[Bonus] Le cas Lil Pump
Artiste clivant par excellence, Gazzy Garcia n’est étonnamment pas plus détesté que ça dans le game – et pas seulement par Kanye donc.
Au sein d’un mouvement soumis aux changements de modes les plus brusques, les emcees ont pour beaucoup bien compris qu’il ne servait à rien de radoter « qu’le rap c’était mieux avant », le risque étant grand de passer pour un vieux croûton, puis de disparaître pour de bon dans la foulée – ou au mieux, pour les plus chanceux que l’on ne parle plus d’eux que sous le terme faussement flatteur de « légende ».
Du coup sans être le emcee préféré de qui que ce soit (faut pas pousser le bouchon trop loin non plus), Pump s’est vu tressé des louanges par Juicy J pour qui il est le genre d’artiste qui permet de « garder la musique vivante », French Montana qui « adore ce qu’il apporte au game » et même 50 Cent qui trouve « son délire marrant et bien foutu ».
À LIRE AUSSI
Les 13 types de fans de rap les plus relous [DOSSIER]