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Jimmy Henchman, le gangster du rap devenu balance

Jimmy Henchman, le gangster du rap devenu balance

Meurtre, tentative de meurtre, extorsion, poudre blanche… l’homme de l’ombre le plus féroce du rap s’est longtemps permis tous les coups pour réussir, avant de tomber de haut.

Dans la première partie des années 2000, Jimmy ‘Henchman’ Rosemond est l’une des personnalités les plus sollicitées du monde du rap.

Auréolé d’une street crédibilité à faire rougir 90% des emcees, sa société de management Czar Entertainment compte comme clients parmi les plus gros noms de la scène US (The Game, Akon, Sean Kingston, Brandy, Gucci Mane, Rick Ross…), tandis qu’il gère avec succès les intérêts de boxeurs du calibre de Mike Tyson (l’organisation du combat à l’époque le plus lucratif de l’histoire face à Lennox Lewis c’est lui), Hector Camacho Jr. ou encore Andre Berto.

Une réussite qui force l’admiration venant d’un gosse de rue qui a manqué cent fois de finir ses jours au trou ou dans un cercueil avant même de fêter sa majorité.

Reste que loin d’avoir fait le deuil de sa vie de voyou, Henchman va continuer à se comporter de la sorte jusqu’à en payer le prix fort.

« Started from the bottom »

Né James J. Rosemond le le 5 février 1965 à Brooklyn, New York, celui qui ado héritera dans un premier temps du surnom de ‘Ace’ est incarcéré une première fois à l’âge de 16 ans suite à un vol de vélo. En cellule il se lie avec le célèbre Kelvin ’50 Cent’ Martin (le gangster à qui Curtis Jackson piquera son pseudo) avec qui il forme à sa libération une association fructueuse.

Moins de deux ans après, celui qui a entretemps hérité d’une balafre sur la joue digne de celle de Tony et d’un surnom des plus explicites (« henchman », « homme de main » en VF) retourne sous les verrous après avoir été inculpé pour braquage et meurtre au second degré. Innocenté, il est cependant condamné pour de bon l’année de ses 19 ans pour possession d’armes à feu.

Cette nouvelle peine à laquelle s’ajoute le décès de Martin en 87 le pousse alors à réfléchir un peu plus loin que le bout de son nez quant à son avenir. Le rap s’imposant comme une véritable force culturelle et commerciale au début des années 90, il décide d’investir ce créneau.

C’est ainsi qu’en 1992 il contribue à mettre sur pied la conférence How Can I Be Down? dont l’objectif est de décrypter les rouages de l’industrie du disque à l’attention des artistes rap. Dans la foulée il fonde Henchmen Productions qui participe à des degrés divers à l’élaboration de plusieurs hits comme Shoop des Salt-N-Pepa en 1993 ouTell Me du duo r&b Groove Theory en 1995.

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C’est néanmoins l’un des faits divers les plus tristement célèbres de l’histoire du rap qui va le faire accéder à la notoriété, lorsque le 30 novembre 1994 2Pac manque de perdre la vie à la suite d’une agression armée à sa sortie des studios Quad Recording de Manhattan.

Fou de rage et passablement désemparé, le californien accuse publiquement Puff Daddy, Notorious BIG et Jimmy Henchman d’avoir fomenté le coup. Présent sur les lieux, ce serait selon lui ce dernier qui l’aurait attiré sur place en lui proposant de venir enregistrer un featuring avec l’un de ses poulains avant que trois hommes ne tentent de l’assassiner.

Bien que l’intéressé nie avec véhémence toute implication, ‘Pac n’en démord pas et va jusqu’à le menacer nommément de représailles sur le morceau Against All Odds extrait de l’album Makaveli: The Don Killuminati (« Promised to payback, Jimmy Henchman, in due time ») – quand il ne le surnomme pas le « walking dead » en privé.

Après une nouvelle pige en prison longue de trois ans pour port d’arme, Rosemond retrouve rapidement du poil de la bête à sa libération en s’impliquant respectivement en 2000 et 2001 comme producteur exécutif sur les bandes originales des films Romeo Must Die (avec Jet Li et Aaliyah) et Hors Limites (avec Steven Seagal et DMX), puis en sortant via Motown Records la compilation Bullet Proof Love Vol.1.

« Push it to the limits »

Fort de cette visibilité nouvelle, en 2003 Jimmy Henchman rebaptise le nom de sa société qui devient Czar Entertainment.

Sheek Louch, Sean Kingston, Shyne, Mario Winans, Brandy… la liste de rappeurs qui lui font confiance pour conseiller sa carrière prend alors des airs de bottin téléphonique… avant qu’une fois de plus les embrouilles ne reviennent taper au carreau.

Passe encore qu’en 2005 il soit fortement soupçonné d’avoir fait tirer sur Suge Knight après avoir eu une conversation des plus houleuse avec lui lors d’une soirée à Miami, il a ensuite la mauvaise idée de s’impliquer dans le clash qui oppose The Game au G-Unit.

Les animosités débutent doucement en 2006 quand des poursuites en justice sont engagées au sujet du nom « 50 Cent » à l’occasion de la sortie d’un DVD produit par Czar consacré à Kelvin Darnell Martin (Infamous Times: The Original 50 Cent).

Elles prennent ultérieurement une toute autre tournure quand en mars 2007 Tony Yayo et son associé Lowell ‘Lodi Mack’ Fletcher croisent à Manhattan le fils de 14 ans de Henchman alors qu’il se rendait dans les bureaux de son père vêtu d’un t-shirt Czar Entertainment. Une altercation éclate et l’adolescent se fait gifler.

Coïncidence ou pas, le mois suivant la maison de la mère de Tony Yayo est mitraillée, tandis qu’en octobre 2009 Fletcher est retrouvé tué par balles dans le Bronx, tout juste deux semaines après avoir fini de purger ses neuf mois de prison suite à cet incident.

Les rumeurs vont alors bon train même si officiellement tout va pour le mieux, Henchman trouvant au passage le moyen de se faire inviter à la Maison Blanche par un Barack Obama fraîchement élu.

Le château de cartes s’effondre

En juin 2010, cette belle success story prend fin d’un coup d’un seul lorsque James Rosemond est arrêté pour trafic de cocaïne, blanchiment d’argent et subornation de témoin. La justice fédérale l’accuse entre autre d’avoir distribué des centaines de kilos d’une côte à l’autre du pays en se servant d’équipements de musique et de divers studios d’enregistrement pour camoufler son activité.

Ce réseau mis en place aux alentours de 2006/2007 aurait ainsi généré une dizaine de millions de dollars de chiffre d’affaire par an.

Se sachant cuit, une fois libéré sous caution, Henchman part en cavale. L’échappée durera une petite année, avant qu’il ne se fasse arrêter un an plus tard à la sortie du prestigieux hôtel W de Manhattan.

Dans l’attente de son procès, une nouvelle bombe explose : Dexter Isaac, l’un de ses partenaires des premières heures condamné à perpétuité confie qu’Henchman est bel et bien celui qui a organisé l’embuscade de 2Pac en 1994.

« Il m’a donné 2 500$ plus tous les bijoux que j’arriverais à lui piquer, à l’exception de sa bague en diamant qu’il souhaitait offrir à sa copine. »

Si en public Rosemond rejette là encore vivement ces accusations, entre les quatre murs d’une salle d’interrogatoire les choses sont toutes autres.

2Pac c’était lui !

Dans le cadre de la procédure dite « Queen For A Day » qui permet à un suspect sous le coup d’une enquête de confesser certains crimes en échange de la garantie qu’aucune charge ne sera retenue contre lui, il admet finalement son rôle dans l’affaire comme le révèle le transcrit officiel de sa déposition qui filtre quelques mois plus tard.

La raison ? Des commentaires peu flatteurs du rappeur à son égard au moment de son procès pour viol l’auraient poussé à vouloir « lui donner une leçon »

Bien que la nouvelle fasse son effet (on parle ici de l’évènement qui a changé à jamais la face du rap en déclenchant la guerre des East Cost/West Coast et dont les disparitions de 2Pac et Notorious BIG ne sont que la pointe émergée de l’iceberg), judiciairement parlant elle est sans conséquence pour Dexter et Henchman, les vols étant prescrits sept ans après les faits par le NYPD.

Cet aveu n’est cependant pas suffisant pour s’attirer la clémence des juges : en juin 2012 Rosemond est reconnu coupable de trafic de drogue, obstruction à la justice et port d’arme prohibé.

Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, quelques jours plus tard il est inculpé pour le meurtre de Lowell Fletcher pour lequel il aurait engagé deux tueurs en échange de quelques kilos de cocaïne.

Quand vient l’heure de la sentence, dans un cas comme dans l’autre, la justice se montre des plus sévères.

En octobre 2013 tout d’abord il écope d’une peine à perpétuité assortie de 14 millions de dollars d’amende pour son rôle à la tête de la « Rosemond Organization », le président de la cour n’hésitant pas à déclarer que « son image de mogul dans le monde de la musique n’était qu’une couverture » pour celui qu’il qualifie de « thug en costume ».

En mars 2015, le jury le reconnait coupable de meurtre par procuration ainsi que de toutes les charges qui lui sont imputées. Henchman prend à nouveau perpèt’, plus 20 ans.

Son procès en appel en novembre 2017 n’y changera rien.

Le coup de grâce assené par 50 Cent

Peu réputé pour sa grande mansuétude, le général du G-Unit lui balance non sans satisfaction une ultime pichenette en dévoilant en novembre 2017 que son ancien rival a fréquemment collaboré avec les forces de police, et ce depuis les années 90.

Documents à l’appui (, et ), il démontre qu’Henchman a snitché à plusieurs reprises, notamment en 2000 afin que soit allégé sa sentence après s’être fait arrêter avec une arme.

Et tant pis pour le mythe.

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