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« Doggystyle » : 25 ans de levrette ça se fête !

« Doggystyle » : 25 ans de levrette ça se fête !

Le 23 novembre 1993 sortait le tout premier album de Snoop Dogg. Retour titre par titre sur ce pur chef d’oeuvre de gangsta funk…

Au départ, il y a eu ce featuring sur la bande originale de Deep Cover. Ensuite il y a eu le pharaonique The Chronic sur lequel il rappait sur 10 des 15 pistes. Et puis il y a eu l’annonce de son premier solo à laquelle a fait suite quelques semaines plus tard son implication dans une sombre affaire d’homicide. Et c’est ainsi que Snopp Doggy Doggy s’est retrouvé fin 1993 au centre de toutes les attentions.

Attendu comme jamais aucun album de rap n’a été attendu avant lui, Doggystyle réussit pourtant l’exploit de combler tous les espoirs placés en lui (802 858 copies vendues en première semaine, mais pas que).

Épaulé par son mentor Dr. Dre qui perfectionne là sa formule mise au point un an plus tôt, le jeune Crip trouve là le cadre parfait pour exprimer tout son cool et toute sa nonchalance sans pour autant oublier d’en faire voir de toutes les couleurs aux ligues de vertu.

Vingt-cinq ans plus tard, on est cependant en droit de se demander si toute cette agitation était justifiée ? Réponse après avoir passé au peigne fin ce monument.

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1. Bathtub

Une intro pas des plus nécessaires à première vue (Snoop prend un bain et se fait masser le dos), si ce n’est qu’elle permet de brasser quelques références (un copier-coller d’un dialogue du film Super Fly, la musique de Curtis Mayfield, un sample des Last Poets) et d’introduire en douce les voix de Warren G et Dr. Dre.

2. G Funk Intro

« Yeaaahh !»

Véritable entrée en matière de l’album, cette seconde piste à l’instrumentale explosive laisse étonnamment Snoop au second plan, lui qui ne rappe ici qu’une toute petite mesure.

En lieu et place, c’est le père du P-Funk George Clinton qui comme un passage de témoin vient ouvrir les débats (sont également samplés les (Not Just) Knee Deep et Aqua Boogie de ses groupes Funkadelic et Parliament), mais aussi et surtout Lady of Rage qui brille de mille feux avec une performance haut de gamme ancrée depuis dans les mémoires.

Et si vous vous demandiez pourquoi une telle répartition des rôles : sachez que pareillement à Snoop qui avait la part belle sur l’intro de The Chronic, il s’agissait pour Death Row de mettre son prochain rookie en orbite .

3. Gin and Juice

Haut la main le track « laid back » le plus « laid back » de tous les tracks « laid back » : une production incroyablement ronde du Doc, le refrain le plus entraînant des nineties et un Snoop plus hédoniste que jamais qui donnerait presque envie d’aller passer ses vacances d’été du côté de la « L-B-C ».

Notez que l’un des samples choisis (Watching You des Slave) sera réutilisé une décennie plus tard pour concocter un autre pic de sa discographie, Let’s Get Blown.

4. W Balls

Dans les années 90, c’est peu dire que les rappeurs adoooraient les interludes. Pourquoi ? Aujourd’hui encore, personne n’en a la moindre idée.

Et c’est parti donc pour 37 secondes de pastiche radio avec au passage une pique glissée au nemesis Eazy E.

5. Tha Shiznit

Alors oui, Snoop n’est peut-être pas réputé pour être le emcee le plus technique de la Terre, mais quel flow !

S’il donne ici encore plus qu’ailleurs l’impression de rapper à moitié endormi, il n’en retombe pas moins sur ses pattes à chaque mesure. Bien lui en a pris tant cet entrelacement des plus funky entre une ligne de basse et un air de flûte candidate très sérieusement au titre de meilleure prod’ de l’album.

Le genre de morceau qui prend toute sa valeur au bout de quelques écoutes. Le genre de morceau tellement fluide que jamais il ne prend une ride.

6. House Party

Encore un interlude ?! Oui encore un interlude…

Bon okay il y a Dre et il y a Daz qui jouent aux dominos, alors passons.

7. Lodi Dodi

Non Notorious BIG n’a pas volé à Snoop le refrain de Hypnotized, et pour cause : le Grand Chien l’avait déjà lui-même emprunté au roi du storytelling Slick Rick.

Réinterprétation de son La Di Da Di de 1985 à la sauce californienne, le morceau s’écoute certes sans forcer, mais manque parfois un peu de pêche – et pas uniquement à cause des vocaux d’une Nanci Fletcher qui d’ordinaire est tout sauf décevante.

8. Murder Was the Case

Les sirènes sont de sortie pour cette funeste histoire de pacte avec le diable qui ni ne commence bien, ni ne se termine bien.

Assorti d’un court-métrage long de 18 minutes réalisé par Dr. Dre et Fab Five Freddy, Murder Was the Case joue à entretenir toujours un peu plus le flou entre la vie de gangster réelle ou supposée de Calvin Broadus Jr. et son personnage de Snoop.

Si un quart de siècle après les faits le débat est devenu obsolète, ce n’était absolument pas le cas à l’époque.

9. Serial Killa

Clairement la piste la plus rugueuse du disque, ce qui ne l’empêche étonnamment pas d’être la piste préférée de beaucoup.

Enfin pas si étonnamment que ça si l’on considère le degré de magnitude du beat et l’exécution au diapason de la chorale d’invités (Kurupt, Daz, The D.O.C. et RBX).

Réputé comme un album festif, Doggystyle se veut en réalité bien plus varié que ça, chaque public pouvant y trouver ce qu’il veut. En gangster des studios avisés, le « Dee-oh-deubeule-djee » saura cultiver cette versatilité tout au long de sa carrière.

10. Who Am I (What’s My Name)?

Comment ça Snoop se contente de rapper sur le très évident Atomic Dog de George Clinton ? Et alors ?

Trop yolo, trop entraînant, trop contagieux, ce premier single est de toute façon non seulement devenu un classique certifié en soirée, mais il est aussi devenu le genre de son qui fait l’unanimité chez les gens qui n’aiment pas le rap.

On en oublierait presque que Snoopy fait là l’éloge du meurtre de flic tiens.

11. For All My Niggaz & Bitches

Difficile de garder le rythme après une telle bourrasque.

Assis sur le banc de touche, Snoop qui n’intervient qu’en ad-libs sur la fin s’adjoint les services des Dogg Pound et de Rage pour faire le taf.

Comme The Chronic, Doggystyle tient tout autant de l’effort collectif que du véritable album solo. En même temps avec autant de talents concentrés dans une même niche, il eut été criminel de se faire économe sur les feats.

12. Ain’t No Fun (If the Homies Can’t Have None)

Question : comment rendre la misogynie la plus crasse acceptable ? (Pour les non-anglophones, on parle d’ici d’un hymne à la tournante)

Réponse : avec une instru redoutablement cartoonesque, avec un couplet de Kurupt au sommet de sa forme, avec un Warren G qui le premier brouille à ce point les frontières entre le rap et le chant, et avec un refrain qui associe pour la postérité Nate Dogg (dont c’est la première apparition) et Nanci Fletcher.

La formule a tellement fait ses preuves que lorsqu’Ain’t No Fun est joué en club après quelques verres, les filles sont les premières à reprendre en chœur le toujours subtil « and you even licked my balls ».

13. Chronic Break

Tiens un nouvel interlude (ça faisait longtemps) : Snoop s’en roule un petit et nous explique pourquoi jamais il ne dépensera le moindre centime pour une « bitch ». Et Daz qui nous gratifie dans le fond de son rire bien gras.

14. Doggy Dogg World

Quand 2Pac signa sur Death Row en 1995 et commença à traîner avec Suge Knight, l’une des choses qui le surprît le plus fut qu’en voiture tout le crew écoutait, non pas du rap, mais des sons de black music des années 60/70.

Du coup, c’est sans surprise que l’on retrouve sur ce troisième single les Dramatics invités au refrain (un groupe de la Motown de la grande époque) sans que cela ne fasse tâche le moins du monde.

L’un des tracks les plus souful du rap.

15. Betta Ask Somebody

Un interlude où l’on apprend que déjà tout petit Snoop voulait déjà être un « motherfuckin hustler ».

Au mieux marrant la première fois.

16. Gz and Hustlas

Le morceau préféré de Snoop, qui, si l’on en croit sa version de faits, serait un freestyle posé dans la cabine d’enregistrement entre deux réglages de micro.

Du coup vous l’aurez compris nul besoin de s’attarder sur les paroles, l’idée étant de se laisser porter par l’alchimie entre cette instru bondissante et le regain d’énergie du maître des lieux qui s’amuse comme un petit fou.

17. U Betta Recognize

Sérieusement encore un put*in d’interlude ? Le troisième en cinq morceaux !

Quel est l’intérêt ? Quel est le projet ?

18. Gz Up, Hoes Down

Un titre présent uniquement sur le premier pressage de Doggystyle avant d’être retiré illico pour des questions de droits.

Dommage que Death Row n’ait pas sorti les sous, cette petite douceur longue de deux minutes à peine se fond à merveille dans le tableau général.

PS : à tout hasard, quelqu’un aurait-il des nouvelles du dénommé Hug venu chantonner le refrain ?

19. Pump Pump

Banger ou pas banger ? Si vous avez aimé Serial Killa, la réponse est clairement oui.

Si en revanche vous vous attendiez à une ultime couche de funk pour clore les débats, le côté survolté de l’exercice risque de vous surprendre.

L’album presque parfait, mais…

Pour la faire courte : en 1993 comme aujourd’hui, difficile de trouver dans toute l’histoire du rap un disque aussi bien conçu, produit et exécuté que Doggystyle.

[Et oui n’en déplaise aux ronchons, The Chronic de Dre « pâtit » de la comparaison.]

Conséquence, ce premier solo se doit donc aussi d’être estimé à la hauteur de ce qu’il a transmis aux générations suivantes… et c’est peut-être là qu’il prête le plus le flanc à la critique.

Victime de son succès, du haut de sa quadruple certification platine et de son procès pour drive-by, Snoop reste celui qui a grand ouvert la voie de ce marketing du casier judiciaire qui deux décennies durant va pousser labels et artistes à se la jouer plus-gangsta-tu-meurs.

Sur le fond, il est aussi celui qui a participé à reléguer la qualité des paroles au second rang en proposant des textes, certes divinement bien rappés, mais au contenu au ras des pâquerettes.

Évidemment, Snoop n’est pas à lui seul responsable de ce rap qui fait du fantasme de la vie de rue et de l’objectification des femmes son fonds de commerce, mais il en a été l’un ses plus fervents ambassadeurs.

Après faut-il vraiment prendre tout cela au premier degré ? Tout ceci ne relève-t-il pas au fond de l’exercice de style ? Du délire un peu bordeline, mais du délire quand même ?

Et puis bon, encore une fois quel album !

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