Rencontre avec Swift Guad.
Alors qu’il a sorti récemment Vice et Vertu vol. 3, on est allé rencontrer Swift Guad alias le plus célèbre narvalo de la Croix de Chavaux, toujours aussi actif. Quelques semaines avant une nouvelle édition du Narvalow Show, les 19 et 20 mai à la Bellevilloise à Paris, c’était le moment idéal pour faire le point avec lui.
Par une belle fin d’après-midi de mai, on retrouve Swift, à un rendez-vous donné du côté du Grand Palais. Pour des raisons esthétiques peut-être, mais aussi pratiques, l’endroit se trouvant à mi-chemin entre son label Addictive et sa chère ville de Montreuil. On se pose dans un square, le dictaphone est lancé.
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Le plus montreuillois des rappeurs a sorti récemment un 3ème volume de Vice et vertu, le point d’orgue d’une série entamée il y a quelques années. Pour la première fois, il a choisi de partager les deux thèmes entre deux disques : « l’un plus sombre pour le côté « Vice », et l’autre plus lumineux, pour le côté « Vertu » ». Un choix qui s’est fait progressivement, nous confie-t-il : « au début ça ne devait être qu’un seul skeud, et puis j’ai fait Masterpiece entre temps. Ça m’a laissé le temps de faire plein d’autres titres, et du coup j’ai fait deux projets. »
Sur Vertu, on retrouve plus de vibes mélodieuses, et sur Vice plus de kickage et de rap énervé. Sur ce disque à double face qu’est Vice et Vertu vol.3, l’auditeur en entend de toutes les couleurs. Avec de nombreux featuring (quasiment tous les morceaux), on retrouve des collaborations de différentes générations, entre de glorieux anciens comme Iron Sy, Seth Gueko qui était invité sur son premier album, et avec qui il tenait à poser sur un son plus actuel, nous livrant un Black Circus détonnant. On retrouve aussi de jeunes loups comme Nusky, Hyacinthe ou Kenyon.
On navigue entre morceaux de bravoure lyricale, comme Vide, avec le sevranais Ixzo, à des ambiances plus sucrées comme Silhouette, nous rappelant que Swift est passé par une période ragga. Un son à l’ambiance ensoleillé, occasion parfaite pour proposer un univers visuel plus détendu, dans un clip à base de 100% d’extraits de films de vacances. Une manière de se livrer sous un angle plus naturel : « c’est une petite compilation de souvenirs de vacances, c’est toujours bien. Les clips c’est bien, mais c’est pas la vraie vie. Là pour une fois c’est la vraie vie. C’est peut-être con, mais quand je souris devant la caméra, c’est un vrai sourire. Contrairement aux clips où essentiellement les rappeurs prennent la pose, là au moins c’est la vraie vie, et je m’amuse. »
J’ai été invité dans plein d’émissions pour parler du clip de « La douche »
Dans un autre style, Swift a aussi envoyé quelques excentricités, comme le titre avec 25G, La douche : « c’est un des clips qui a le moins marché, mais c’est un de ceux qu’on s’est le plus amusé à faire, et qui a le plus fait jaser. Parce que suite à « La Douche », j’ai été invité dans plein d’émissions pour parler de ce clip-là. » Un clip léger qui aura surpris certains esprits frileux, par son excentricité rurale, ou encore la présence d’une certaine Lisa Monet, rappeuse au style souvent raillé.
Dans une interview récemment donnée à un site belge, Swift s’amusait des raccourcis stratosphériques que certains followers sont capables de faire : « tu fais une photo avec quelqu’un, et ils en déduisent que t’as fait un feat, c’est pour te dire comment les gens font des raccourcis de dingue dans leurs neurones ». Malgré un featuring limité au visuel, Swift s’attendait visiblement à certaines réactions, accompagnant la sortie du visuel d’un post facebook, précisant « A prendre au 25ème degré ». Un avertissement en forme de clin d’œil à 25G, qui n’aura pas suffi à retenir la déception de la frange la plus orthodoxe de son public : « une partie de mon ancien public, plus puriste, l’a moins bien pris. Parce que c’est un son très auto-tuné, avec un thème super léger, donc « La douche » ça a été plus compliqué. » Evidemment, lorsque 25G, fait rimer « pimousse » avec « pipe qui mousse », on est assez loin des ambiances plus sombres de Masterpiece, orchestrées par le brillant Mani Deïz.
Des rencontres comme tournants
Des rencontres déterminantes, il en a fait « des tonnes ». En 1999, il y a eu Réglo, qui lui a « appris à utiliser une MPC 2000 », lui donnant l’occasion de faire ses premiers pas dans le rap. Son ingénieur du son qui s’appelle Willy Bank, avec qui il bosse depuis le premier projet et en qui il a « une entière confiance ». Il n’oublie pas de citer Al’Tarba, le beatmaker qui a façonné les premiers projets du narvalo. Blixx Mc Leod est aussi en bonne place sur la liste, producteur qui a été l’artisan de son « virage un peu plus actuel », sur ses derniers projets. Il est alors signé sur le label de Zoxea, KDBzik.
Suprême NTM ça fait partie des invitations qui ont un peu boosté ma carrière
Enfin, il cite le Suprême NTM, qui l’avait invité sur scène en 2008, en première partie de son concert : « ça a été déterminant, parce qu’à l’époque il n’y avait pas internet comme aujourd’hui. Y avait myspace, mais c’était pas comme aujourd’hui, et c’est vrai que ça fait partie des invitations qui ont un peu boosté ma carrière ». Swift n’est pas du genre à rester isolé sur sa montagne, donc autant lui demander quelle a été sa dernière rencontre déterminante. Sans hésiter, il cite alors Stéphane du label Addictive, qui a eu le mérite de ne « jamais lâcher l’affaire » et l’a toujours soutenu.
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Swift en librairie
Le Swift ne semble pas prêt d’arrêter la musique sous une forme ou une autre, il évoque des projets en gestation relevant davantage de la chanson, tout en ayant en parallèle un projet avec Ol’Zico, il a créé un groupe nommé Notre Dame, qui devrait sortir une première mixtape avant l’été, cette fois-ci dans des sonorités trap. A la rentrée, un EP est également prévu avec un beatmaker rencontré récemment, Raw Saitama, « plus dans un délire boom bap, mais aussi trip hop ». Il prépare également un album de chanson, mais aussi Hécatombe 3. Il me confie également qu’il a en réserve un projet sous un autre nom, qu’il a écrit en « une nuit », et dont il ne peut dire plus pour le moment.
Je suis en train d’écrire un roman qui s’appelle La mère Noël est une grosse pute
De quoi certainement satisfaire une grande diversité de goûts, et faire saliver les plus fidèles de ses fans. Swift avoue d’ailleurs qu’il n’a certainement jamais eu autant de fers au feu. Loin de ronger son frein, le montreuillois semble avide d’attaquer de nouveaux fronts. Sa plume, dont tout auditeur un peu sérieux est obligé de reconnaître la qualité, est même en train de s’aventurer sur un terrain assez rarement investi par les rappeurs, celui de la littérature. Mais attention, à la sauce Swift, le résultat ne devrait pas donner dans le roman à l’eau de rose : « Y a aussi un autre truc c’est que je suis en train d’écrire un roman (rires). Un roman qui s’appelle La mère Noël est une grosse pute. Il sera bouclé d’ici cet été, et j’espère le sortir bientôt. » Tout un programme, qui sera sûrement à déconseiller aux âmes sensibles.
C’est comme le football, moi j’aime pas le regarder mais j’aime y jouer
Une nouvelle aventure pour laquelle il bénéficie d’un soutien qui n’est pas des moindres, celui d’un écrivain nommé Johann Zarca, qui a remporté le prix de Flore pour son roman Paname Underground. Un auteur qu’il a rencontré chez Radio Campus, et dont il a apprécié le style « très street, plein de mots d’argot ». Alors, féru de littérature, le Swift ? Pas vraiment, mais davantage porté par sa créativité naturelle : « je sais pas d’où est venue l’idée, à vrai dire. C’est peut-être le fait que je lis pas assez. Tu sais, c’est comme le football, moi j’aime pas le regarder mais j’aime y jouer. Et peut-être qu’avec les livres c’est pareil, j’aime moins les lire, mais en écrire un ça me tente bien. Moi j’ai toujours besoin de m’exprimer. Tu me donnes une toile et de la peinture, je peins. Tu me donnes un bloc de béton et un burin, je sculpte. Malheureusement j’ai que les moyens d’avoir une feuille de papier et un bic, alors j’écris. »
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Le Narvalow Show de retour
Le Narvalow Show avait eu une dernière édition il y a trois ans. Prenant de plus en plus d’essor, sa crise de croissance rendait difficilement gérable l’ampleur du festival par son association, qu’il a dissoute. « on le relance petit en espérant que ça regrandisse. Par contre on a fait gros niveau programmation, 80 artistes sur deux jours et deux scènes. Ça va être convivial, les 19 et 20 mai. »
Une programmation fidèle à l’esprit de Swift Guad, qui fait le lien entre les différentes générations du rap français : « y avait pas mal de gens que j’ai rencontrés au cours de ma route, pas mal de gens qui étaient dans les précédentes éditions, comme la Scred Connexion, Saké, Wira. Et ce que j’ai voulu, c’est programmer des coups de cœur, et des gens de la nouvelle génération. Je voulais pas faire un festival 100% puristes, 100% conservateurs du rap français. » Une belle affiche où on retrouvera aussi LaCraps, Flynt, Kacem Wapalek, Seth Gueko, Casey, Jp Manova ou encore Ol Kainry, et des plus jeunes comme Pala$$ (Lord Esperanza et Nelick), Nusky et ses acolytes de La Race Canine, Limsa ou Le Gouffre, pour ce qui est des plus jeunes. Un événement incontournable, pour tous ceux et celles qui aiment le rap indépendant bien travaillé.