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On a vu la pièce de Kery James : « A Vif » [REPORT]

On a vu la pièce de Kery James : « A Vif » [REPORT]

Une pièce pour changer les choses…

Crédits photos : Antoine Ott

Validé par la culture avec un grand C, le rap peut aujourd’hui tout se permettre, comme monter sur les planches. Et cela pour notre plus grand plaisir. Hier, Booska-P avait donc rendez-vous avec un Kery James comédien dans sa pièce « A Vif ». Une réussite qui partira très bientôt en tournée à travers la France.

L’hexagone et ses banlieues, voilà le propre d’une oeuvre inédite, où deux avis s’affrontent et se confondent parfois. Cette pièce, c’est donc les périphéries de nos villes racontées avec vérité dans leurs diversités, sous les mots de deux avocats rivaux, violents et rieurs. Retour sur une soirée où le théâtre s’est chargé d’écorcher les préjugés avec véhémence et clarté.

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Une oeuvre radicale, poétique et politique

Aux confins du huitième arrondissement de Paris se tient « A Vif, une pièce écrite par Kery James et mise en scène par Jean-Pierre Baro. Nous sommes au Théâtre du Rond-Point, tout près des Champs-Elysées et de l’avenue Montaigne. Mais loin des devantures de boutiques de luxe et du palais présidentiel, c’est une partie de la France qui se joue sur scène. Coup de bol, on la connaît bien, c’est donc en observateur avisé qu’on se rend ici.

Le tout est censé commencer à 18h30, mais la foule s’est déjà ramenée, impatiente. On croise des jeunes, des moins jeunes, mais aussi Stomy Bugsy. Tout le monde discute, les questions fusent. Derrière nous, un groupe de filles s’interroge : « Je l’ai vu à L’Olympia, mais au théâtre, je ne sais pas ce que ça donne ». A l’évidence, beaucoup de membres du public sont là pour Kery. De quoi le placer comme un rappeur qui rassemble, capable de réaliser de brillants ponts entre les disciplines et donc, de ramener des néophytes face aux planches.

Notons que la présence du rappeur et orateur n’éclipse pas pour autant celle de son compagnon de scène, Yannik Landrein. Celui qui aura notamment joué sous les ordres de John Malkovich pour « Les Liaisons Dangereuses » revient donc pour d’autres liaisons tout aussi violentes. Ici, ce sont deux élèves avocats qui se font face pour un ultime examen, Souleymann Traoré (Kery James) d’un côté et Yan Jaraudière (Yannik Landrein) de l’autre. Ce qui nous attend, selon les mots de l’auteur de la pièce sera « radical, poétique et politique ». On ne sera pas déçu.

L’Etat est-il seul responsable de la situation des banlieues françaises ?

Fuir ses responsabilités ? Jamais pour Kery James, aujourd’hui auteur et acteur, au devant des préjugés. Ainsi, il combat son adversaire du soir dans une joute oratoire basée sur une seule question : « L’Etat est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues en France ? « . Lui répondra non, pendant que son homologue, Yann Jaraudière, choisira le oui. C’est ici que se joue le noeud de l’intrigue, l’interprète du titre « Racailles » ne choisissant pas la voie de la « facilité »…

« Posture victimaire ! » crie d’emblée Souleymann Traoré. Rien ni personne ne le fera dévier de sa trajectoire. Sa position est claire, celle d’un éclairé pas ébloui par les phares de la responsabilité. Lorsqu’il traverse la route, c’est à lui de regarder, pas à un autre. Refusant la tutelle de n’importe quelle entité, il s’affirme ici comme un acteur de sa propre vie, loin des excuses préconçues. Pour Kery, c’est simple, on se fait avec les siens, pas contre un Etat qui n’a rien à donner. Tout le contraire de son adversaire du jour, prônant l’exact opposé.

Dans son exposé, Maître Yann Jaraudière est dans un tout autre délire. Dans un premier temps plus appliqué, le bonhomme veut se montrer sage et convaincant. Pour lui, c’est simple, la situation actuelle des banlieues n’est due qu’à une seule et même chose : l’Etat français. Un Etat qui n’a cessé selon lui d’abandonner les quartiers, s’enfonçant toujours un peu plus dans une fracture sociale volontaire, faisant tout pour que l’hexgone soit à deux vitesses. Souleymann Traoré embraye, Kery se réveille, le ton monte alors… C’est bon, la rixe débute sous nos yeux transformés en balle de tennis. On va d’un côté et de l’autre de la scène, sans savoir lequel de nos deux élèves a raison. Et si les deux étaient dans le vrai ?

Deux France qui ne font qu’une ?

Les rôles sont donc bien campés et le ton monte. Souleymann Traoré fait figure de fougeux orateur, toujours plus proche de l’upercut dévastateur, pouvant mettre son adversaire K.O à tout moment. Ses diverses sorties sont les preuves de son talent. Tour à tour, son rival se voit affublé de drôles de surnoms : « penseur à la SOS Racisme, prenant la parole de ceux qui n’ont rien demandé » ou même « enfant de riche, honteux de sa condition ». Ici Kery fait mal, mais frappe juste, comme il le dit lui-même : « Je crois que c’est cette radicalité, qui paradoxalement ouvre des portes sur les nuances, la modération et le dialogue que des milliers de spectateurs viennent applaudir ».

Lorsqu’on observe la salle, difficile de lui donner tort. Elle est pleine à craquer et les visages sont curieux d’en apprendre plus. Si le personnage de Yann Jaraudière titube parfois sous les coups de « Maître Souleymann », il donne de la voix comme jamais. Ses cris se font entendre, chacun pousse la parole et le débat un peu plus loin pour finalement s’asseoir à la même table et réfléchir à ce qui fait que la banlieue est ainsi aujourd’hui.

Pour décrire sa pièce, Kery James est d’ailleurs resté fidèle à ce à quoi il nous a déjà habitué en tant que rappeur, l’artiste voulant donner à réfléchir : « Je veux faire d’A Vif une pièce qui dit quelque chose, qui transmet une émotion, suscite une interrogation et une remise en question (…).Cette pièce a selon moi la capacité d’intéresser un très large public, car elle raconte la rencontre entre ce que j’appelle les « Deux France » « . « Deux France » qui ne se connaissent pas ou s’ignorent ». « Deux France », donc, qui arrivent enfin à se rencontrer sans que la classe politique ne serve d’intermédiaire nauséabond…

« Lettre à la République » débarque alors, interprété a capella, pour sonner le glas d’une rencontre entre un public et une pièce définitivement bouleversante. La salle se lève et applaudit pendant que nos deux comédiens se plient en deux pour une belle révérence. Les mains s’agitent, tout le monde se pose des questions, les bonnes cette fois-ci. Car oui, que ce soit à l’Olympia ou au Théâtre du Rond-Point, Kery James donne à penser.

Pour les retardataires et ceux qui n’auraient pas eu la possibilité d’assister à la fameuse pièce, sachez qu' »A Vif » est à Paris jusqu’au 1er octobre avant d’entamer une tournée nationale. Le livre « A Vif » est quant à lui disponible en librairie aux éditions Actes Sud Papiers.

Dates de la tournée « A Vif » :

2 Décembre 2017 : BERGERAC / Festival Trafik

6 et 7 Décembre 2017 : LIEGE (Belgique) / Théâtre de Liège

12 Décembre 2017 : LE BLANC MESNIL / Forum

15 Décembre 2017 : NARBONNE / Théâtre Scène Nationale

15 Décembre 2017 : ARLES / Théâtre d’Arles

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