Booba, Sneazzy, Ziak ou d’autres s’y intéressent… Et vous ?
Quand il a vu que Booba sortirait le clip de TN uniquement en NFT, Rémy Bigot n’a pas réfléchi longtemps : « J’ai tout de suite sorti ma carte bleue », sourit ce spécialiste des cryptomonnaies. Pourtant, ce n’est pas un « ratpi » ou un connaisseur de Booba. Rien à voir : « Pour moi cet objet-là, c’est un objet numérique unique. C’est le premier NFT de Booba, ce sera à jamais le premier. »
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« à jamais le premier »
Ratpi ou non, Rémy a déboursé environ 70 euros (20 euros le NFT, plus 50 de frais de transaction). Il fait aujourd’hui partie des moins de 5000 personnes à voir le dernier clip du rappeur. « Un monde post-apocalyptique, avec un pass sanitaire puissance 1000, c’est vraiment bien foutu. C’est assez politique. »
C’est la toute première fois qu’un artiste français aussi important s’investit dans la technologie des Non-Fungible Tokens. Avec cette décision, Booba apporte donc la lumière sur une technologie qui peut rapporter très gros. La vente de 5000 cartes NFT a déjà rapporté un demi-million d’euros à lui et à Universal, qui a co-organisé la vente (le site nft.booba.store est notamment « hébergé par la société Universal Music France »). Mais ce demi-million n’est sûrement que le début !
« A chaque fois qu’un possesseur d’une carte NFT va le revendre, Booba va toucher entre 5 et 10 % du prix total de la revente », ajoute Bigot, qui est aussi le directeur général de fructify.io, un site pour comprendre et investir dans les cryptomonnaies. Une très bonne affaire, donc. Surtout que les prix peuvent encore monter.
« Pour moi, ça peut monter à plusieurs centaines d’euros, pronostique-t-il. Ça va dépendre de ce que fait Booba. Il a déjà annoncé un tirage au sort, parmi les titulaires du NFT, pour gagner une place pour son concert au Stade de France. S’il annonce de nouvelles choses, le prix du NFT va augmenter. Mais s’il n’annonce rien, ou que Booba devient ‘has-been’, il va baisser. » Sur la plateforme de revente OpenSea, certains vendent déjà leurs NFT de Booba à 240 dollars, soit un peu plus de 200 euros.
Un EP en NFT à 200 euros et du cryptoshit
Sneazzy, lui aussi, vient de sortir une nouveauté en NFT. Ce n’est pas qu’un titre, mais Blizzard, un EP de deux morceaux, qui vient d’être dévoilé via le réseau Avalanche. C’est la toute première fois qu’un artiste publie un projet sur Avalanche, et l’engouement semble international. La preuve : pour l’annonce, Sneazzy a fait une vidéo… en anglais.
D’ailleurs, la plupart des acheteurs n’ont jamais entendu parler du rappeur. « Il y a un mélange de notre communauté Husky (Chinois, Turcs, Coréens, Américains…), des traders lambda de NFT, et de fans de Sneazzy qui sont aussi passionnés de crypto », détaille L$30, le directeur artistique de Husky, qui a démarché Sneazzy pour lancer ce projet.
10 000 exemplaires de Blizzard sont disponibles pour 2,5 AVAX, ce qui correspond actuellement à 250 dollars ou 200 euros. « Finalement, c’était bien Spotify », se marre un internaute visiblement étonné par ce prix. « Dans le monde de la crypto, on n’est pas du tout dans les mêmes échelles de valeurs, justifie L$30. Une NFT à 100 dollars, ça existe rarement. C’est comme si une marque de luxe vendait un sac à 20 euros. »
Parmi ces 10 000 unités de Blizzard, 200 donneront accès à un bonus. « 100 « tickets d’or » permettront à leurs propriétaires de réclamer un coffret physique édition collector de l’EP de Sneazzy, qui sera collatéralisé par le NFT et contiendra le CD physique et d’autres goodies », annonce la communauté Husky qui organise la vente. Il y aura également « 100 « tickets d’argent » qui permettront aux propriétaires d’obtenir une place VIP pour le concert de leur choix. »
Autre avantage : « 10 % des royalties sur les ventes secondaires iront aux minters originaux du NFT à vie. » Traduction ? Si tu as acheté un des 10 000 exemplaires lors de la vente originale, tu toucheras 10 % du prix de la revente à chaque fois que le NFT de Sneazzy change de main. Un investissement potentiellement intéressant, qui explique aussi le prix de vente initial – plus de 200 euros – élevé.
L’adepte de la drill Ziak s’est également lancé dans le NFT avec un projet différent de la musique : du shit virtuel. Oui, oui. Tu as bien lu. En juin, il a mis en vente 500 « barrettes de cryptoshit » pour 23 euros et 10 « plaquettes de cryptoshit » pour 467 euros. Cinq mois plus tard, il n’a vendu que 18 barrettes et 2 plaquettes. Mais cela lui a rapporté 0,21 ethereum (environ 850 euros), une cryptomonnaie dont le cours augmente chaque jour.
Permettre aux artistes de mieux gagner leur vie ?
Ziak fait donc figure d’exception, puisque la plupart des rappeurs adoptent la technologie NFT pour diffuser leur musique. L’argument utilisé est souvent : « Seuls ceux qui ont acheté le NFT pourront écouter le titre ». Un argument bien étrange, car la musique est faite pour être diffusée le plus largement possible. Elle ne doit pas être « privatisée » au profit de quelques personnes ayant mis la main à la poche. Pour contrecarrer cette privatisation, un acheteur du NFT fait souvent fuiter le titre assez rapidement sur internet.
Par exemple, TN de Booba se retrouve déjà sur YouTube ou Twitter. Du côté du Duc, sa maison de disque (Universal) essaie de supprimer les différentes fuites grâce à un algorithme qui repère automatiquement le morceau. Mais pour Sneazzy, « ce n’est pas du tout l’intérêt d’empêcher les fuites », assure son associé L$30. Avec ce projet, le but est selon lui de sensibiliser à cette nouvelle technologie. De plus, le son peut fuiter autant de fois que possible, seul un acheteur du NFT aura un certificat d’authenticité. Les autres auront juste une copie du son. Ce serait comme comparer un sac Vuitton de contrefaçon avec un autre acheté en boutique officielle.
Pour beaucoup des admirateurs du NFT, cette technologie ne « privatise » pas la musique. Au contraire, elle pourrait permettre aux artistes de mieux gagner leur vie. C’est le cas de L$30, qui est également beatmaker pour Nekfeu, Alpha Wann et Sneazzy. Pour lui, « l’objectif sera de permettre aux artistes lambda, en développement, de vivre de leur musique sans passer par un tiers ». Pour lui, c’est la raison même du NFT, puisque « les gens sont là pour investir dans un projet qui n’est pas connu ». Cela permet à des « anonymes de faire des dizaines de milliers de chiffre d’affaires ».
Problème : le marché du NFT est jeune. Et surtout, très volatile. Il s’est déjà effondré une fois, comme le note le média spécialisé Protos. Pour certains économistes, il s’agit surtout d’une bulle spéculative – les prix montent parce que les gens achètent – qui risque d’éclater à tout moment.
Quoi qu’il en soit, Booba et Sneazzy ne sont pas les seuls rappeurs français à se lancer dans cette nouvelle technologie. D’autres suivront. A voir si de « petits » rappeurs se lancent eux aussi dans le NFT pour lancer leur carrière. Ce serait une première pour une technologie que la France commence à peine à comprendre.