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L’interview « Private Club » avec Jazzy Bazz, EDGE et Esso Luxueux

L’interview « Private Club » avec Jazzy Bazz, EDGE et Esso Luxueux

Un trio talentueux, mais pas que…

Crédits Photos : Antoine Ott.

Au nord de Paris, certains ont réussi à frayer avec une situation plus que délicate pour nous faire revivre des sentiments oubliés depuis longtemps. Habitués à dévoiler des outfits toujours plus excessifs, à liquider quelques bouteilles et à terminer la boîte à cigares de votre voisin mafioso ? Pas de panique, un trio de rappeurs au gros curriculum vitae a décidé de vous servir en sensations fortes.

Au menu du début d’année de notre triplette, un album et pas n’importe lequel : Private Club. Ou comment Esso Luxueux, Jazz Bazz et Edge vous invitent dans un club très privé, duquel aucun cerbère ne viendra vous claquer la porte au nez. Toujours disponible, le projet permet d’oublier le coronavirus et de composer avec des nuits de hustlers qui nous reviennent peu à peu, le tout non sans une certaine mélancolie et une identité parisienne bien marquée. Rencontre avec trois artistes qui sont avant tout des potes.

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On vient de passer une année entre confinement et pandémie, puis là on fait face au Private Club. Un projet qui clairement nous amène dans une ambiance festive. On pense aux néons, aux clubs… alors qu’on n’a pas le droit de sortir à cause du couvre-feu. Est-ce qu’on ne serait pas retourné en pleine prohibition ?

Edge : C’est con, mais quand on clippe Non-Stop on est déjà dans ce délire-là, car il fallait qu’on sorte en scred’.

Jazzy Bazz : On a dû se faire contrôler quelque chose comme trois fois dans la soirée (rires).

Esso Luxueux : J’ai ce souvenir où ils (les policiers ndlr) sont restés là à nous regarder pendant bien 10 minutes. Après il y a eu une scène sur les Champs-Elysées et là, c’était la plus belle. Au final, ils viennent, ils parlent… Le seul truc qu’ils avaient à reprocher c’était la tise : « attention, la consommation d’alcool est interdite sur la voie publique » (rires).

Jazzy Bazz : Il y eu l’épisode du drone aussi, mais aucun flic n’a cramé qu’on en avait un. Finalement, ils ont contrôlé tout le monde… Cette ambiance en mode prohibition était aussi présente lors de la sortie de l’album. On descend en bas de chez moi et on demande à un petit bar de nous faire des bières pression. Il devait être un peu plus de 21 heures, il n’y avait personne dans la rue, on avait nos pintes à la main… On se sentait comme des délinquants (rires). Finalement, on a commandé de l’alcool chez moi via une appli, tout en gardant cette même sensation (rires).

Esso Luxueux : Et on avait plus de clopes ! Comme je le disais à Edge, je suis sûr qu’il y a un code secret dans les applis pour se faire livrer des clopes. Avec les petits épiciers du coin, il y a moyen de te faire livrer des cigarettes en commandant un autre article, comme un message codé… J’en suis persuadé (rires) ! J’aimerais qu’on réfléchisse tous à ce truc pour enfin avoir des clopes entre 19 heures et 21 heures car là, on se fait baiser tous les jours.

ce qui nous réunit, c’est la musique. Mais aussi les soirées, les voyages et les envies d’ailleurs

C’est là que ce projet fait du bien, car il nous amène quelque chose qu’on a enlevé à pas mal de monde : un lifestyle fait de soirées, de sorties, etc.

Edge : Là, on a clairement enlevé de la liberté aux gens. Dans la vie, tout le monde a besoin d’évacuer des choses et d’en célébrer d’autres, chacun à son échelle.

Jazzy Bazz : Et le fait qu’on te dise de ne pas sortir, ça pousse aussi à en avoir envie.

Edge : Pour moi, c’est pour ça que le studio prend aujourd’hui encore plus d’importance. Quand tu y es, une fois que tu t’es bien organisé en achetant quelques bières et des clopes, t’as ton moment à toi, un espace de liberté.

Jazzy Bazz : On avait carrément un petit coin à nous. A partir d’une certaine heure, on s’autorisait à fumer dans cet espace qu’on a surnommé le PMU. Le boss du studio donnait le feu vert, comme le patron d’un PMU qui ouvre ses portes (rires). Là on pouvait garder le côté échange, discussion, autour d’un verre ou d’une clope.

Esso Luxueux : Les petits plaisirs simples de la vie ! Un petit rapido (rires).

Jazzy Bazz : Ouais et on adore. On a eu la chance de le faire en studio, mais pour certains, le fait de se retrouver et de partager un moment entre amis, c’est toute une vie.

Cet esprit d’équipe se retrouve clairement sur Private Club. Comment on fait pour bosser ses morceaux à trois ?

Edge : On était dans un délire où le premier qui avait une idée donnait le tempo. Mais l’idée, c’était aussi d’enchaîner le plus rapidement possible avec le même nombre de mesures chacun. On avait cette volonté de créer une vraie synergie pour être dans une émulation constante, on ne voulait pas attendre et être soulé de ce qu’on fait.

Jazzy Bazz : Ce qu’on se disait le plus c’était : « allez les gars, on gratte le plus vite possible, chacun le pose et on voit ce qui peut être le refrain ». Si ce n’était pas le refrain, il fallait trouver ce qui allait donner la direction du morceau. Personne n’a été une locomotive plus qu’un autre, mais Edge a souvent été au refrain. On a performé à trois avec l’idée d’aller vite, de rester dans un état d’esprit de fête, avec naturel. Le but était aussi d’être enjaillé dès qu’un nouveau truc était posé en studio.

Edge : Faut aussi préciser qu’on voulait faire vite, mais surtout faire bien.

Comment est d’ailleurs venue cette idée de travailler en groupe ?

Esso Luxueux : Comme je dis souvent, ça s’est fait naturellement. En 2017, on avait fait une résidence tous ensemble avec des potes de Grande Ville, Edge se lançait… On a commencé un son comme ça et tout est parti de là. Nous, on est des potes. Edge ne faisait pas de sons à la base, mais a toujours été là, avec nous, lorsqu’on faisait des sons avec Ivan (Jazz Bazz ndlr), en studio, en concert. En fait, dès que les premiers sons de Edge sont arrivés, on a voulu faire des morceaux tous ensemble. Le temps est passé, tout le monde s’est concentré sur ses projets perso et le 11 septembre 2020, on a fait le premier titre de ce projet avant d’enchaîner.

Jazzy Bazz : Tout s’est fait très rapidement, car on est de vrais amis. On se connaît tous depuis très longtemps. Je connais Edge depuis 17 ans, Esso depuis 15 ans… On traîne tous les jours ensemble depuis qu’on est ado. De ce point de vue-là, c’est logique de faire des sons ensemble sans même se le dire. Automatiquement, on savait qu’on allait faire du son. Trainant ensemble, voyant les mêmes choses… c’était naturel. Après, quand t’es en solo, tu n’as pas la même manière de travailler. Le fait d’être seul en studio te pousse à plus te questionner, à moins avoir confiance.

Esso Luxueux : On est tous les trois beaucoup plus perfectionnistes sur nos projets solo, ça peut même être nocif.

Jazzy Bazz : Là ce qui est ouf avec le Private, c’est que le mot d’ordre c’est de ne pas se mettre de paramètres, c’est surtout de kiffer… Car ouais c’est pesant d’avoir un million de remarques. Nous, on est l’inverse des gens qui vont trop dans le sens de leurs potes en studio. Parfois on est même du genre à dire que tout est nul (rires). On est assez difficiles à la base, mais là on se fait confiance. On savait très bien que Edge allait envoyer un refrain de ouf, Esso performer avec toute sa nonchalance, moi des trucs avec plein de rimes condensées… Toute l’exigence de nos carrières solo a fait qu’on a envoyé librement nos textes, chacun dans son style. Après, une fois qu’on a eu le squelette du projet, on a été super chiant. Mais dans la création pure, on a été dans l’amusement.

L’amusement, c’est ce qui a donné l’identité générale du projet ?

Edge : C’est clair et aussi le fait d’être avant tout des potos. Car ce délire de nuits, de soirées, d’ambiances… C’est quelque chose qu’on vit ensemble depuis longtemps à Paris ou ailleurs quand je les suivait en concert. C’est un état d’esprit qu’on a réussi à mettre en musique.

Ce vécu commun a permis d’avoir une vraie source d’inspiration malgré la période.

Jazzy Bazz : Comme tu l’as dit, on était en mode prohibition. On était dans notre délire, au studio c’était un petit monde à part… Comme quand tu entends un bruit de soirée au loin. Je pense qu’on voulait à la fois retranscrire l’identité de notre groupe d’amis, notamment au studio, et aussi toutes les années de ride vécues entre potes. Ce qui nous réunit, c’est la musique. Mais là-dedans il y a aussi les soirées, les voyages, les envies d’ailleurs, etc. D’un point de vue artistique et esthétique, il y a des choses qui nous réunissent aussi. Esso a par exemple été l’instigateur de notre D.A avec les néons, le délire strip club, etc.

Justement, quel serait le meilleur endroit pour la release party du Private Club ?

Esso Luxueux : Je pense qu’il nous faudrait un strip club un peu miteux…

Jazzy Bass : Le Bada Bing (rires) ! Le strip club des Soprano… Un lieu fictif, qui transporte toute l’identité de la série. D’ailleurs, le morceau Private Club devait à la base s’appeler Bada Bing. C’est ensuite qu’on en a fait un titre éponyme. Esthétiquement, il y a d’ailleurs un côté Soprano dans le projet. On peut le voir dans le clip du morceau, ça reprend ces codes-là : les costards XXL etc. Les Soprano, c’est quand même une série sur la mafia du New-Jersey, avec des mecs un peu comme monsieur tout le monde qui se font mettre à l’amende par les mafiosi de New-York (rires).

La ville de Paris revient pas mal de fois dans des phases, des gimmicks… C’était important de marquer cette identité ?

Edge : On est des titis parisiens. On vient de là, on était obligé de représenter. Pour tous les trois, ça veut dire beaucoup de choses.

Jazzy Bazz : C’est clair, c’est un de nos points communs. Déjà, on est tous de la même année, 1989, on a tous grandi intramuros, dans les mêmes arrondissements. 18e, 19e et 20e pour tous les gars de la bande, ça a clairement forgé notre identité. On se devait de le mettre dans le projet, mais c’est venu sur la table de manière naturelle.

Edge : C’est un truc qu’on ne calcule même plus, car c’est nous. Tout simplement.

On a performé à trois avec l’idée d’aller vite, de rester dans un état d’esprit de fête, avec naturel

Pour terminer, on peut se pencher le studio Goldstein. Les prods viennent essentiellement de là-bas ?

Esso Luxueux : On a bossé à 90 % avec Johnny Ola, Marty Santi et WAVYYAVE. On les appelle les « juniors » car ils sont un peu plus jeunes que nous et on aime bien en rire. Edge a l’habitude de bosser avec eux, Ivan et moi pareil… Pour ce projet, ils ont réussi à insuffler un souffle nouveau, une fraîcheur. Avec d’autres personnes, on aurait bossé différemment. Ils ont été importants et intéressants à plein de niveaux. Ils ont amené les épices nécessaires à notre musique, j’aime bien parler comme ça, en termes de saveurs (rires). Je trouve que ça correspond bien à la musique qu’on fait. C’est aussi nos potes, on se tape des barres avec eux et musicalement, ils ont apporté leur truc, une forme de cohérence.

Jazzy Bazz : Avoir une identité « Goldstein », c’était aussi une volonté. C’est un son qu’on connait bien, mais que les gens connaissent moins. Off, le projet d’Edge, sonne comme ça aussi. Nous tous, c’est un peu la famille Soprano. Là, il y avait l’envie d’une direction commune. Ce n’est pas un hasard si l’intro, l’interlude et l’outro ne sont pas produits pas les membres du studio Goldstein. C’était important de marquer une différence à ces moments-là. Ce sont des sons qui amènent autre chose, pour mieux se pencher vers l’identité complète du projet. (Montecristo est produit par GadB, l’interlude par Kezo et Hier encore par VM the Don).

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