Rencontre avec le rappeur pour parler de sa connexion avec sa ville, Orléans.
Dosseh photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
Mettre le cap sur différentes villes de l’hexagone via le prisme du hip-hop, voilà le but de cette nouvelle série que vous propose Booska-P, en partenariat avec Apple. L’objectif est simple : dessiner un chemin entre les rappeurs et leurs origines, questionner leurs racines et proposer une cartographie du game. Après avoir sillonné Paris, Marseille et Lyon en compagnie d’Oxmo Puccino, de R.E.D.K et de Casus Belli, cap sur Orléans. La ville d’un talent bien décidé à imposer sa marque, Dosseh.
Rappeur présent dans le game depuis de nombreuses années, Dosseh fut l’un des premiers à bousculer les codes, en osant notamment le chant. Fidèle à ses racines, il a pourtant quitté Orléans, sa ville, pour s’émanciper et toucher d’autres cibles.
Orléans, sa base
Tout au long de sa carrière, Dosseh a pris soin d’évoluer, de proposer du neuf. Aujourd’hui, quand on lui parle d’Orléans, le bonhomme compare sa ville a un starting-block. « En fait je pense que, comme tout le monde, je me suis lancé avec l’idée de représenter les miens, mon quartier, ma ville. » explique-t-il, avant d’ajouter, plus honnêtement : « Mais ce n’était pas ma vision première. Je me suis mis à faire du rap car j’aimais la musique et faire de gros morceaux comme les rappeurs que j’écoutais. »
Dosseh photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
C’est donc d’abord la musique qui guide ses ambitions, avant celle de revendiquer là d’où il vient. Plus tard, il déclarera ne pas se fixer de frontières, qu’elles soient géographiques ou sonores : « Ce sont des questions que je ne me pose pas, je fais ça naturellement. J’aime la musique pour de vrai, sans complexe, ni limite ou barrière. J’écoute du pe-ra, mais aussi plein de styles qui n’ont rien à voir. Dans la musique, ce qui me plaît, c’est l’énergie d’un beat, d’une mélodie. Tout est une question de vibrations. » Cette énergie, on la retrouve dans le superbe Habitué, premier extrait de son prochain album, Vidalo$$a. Elle était déjà palpable dans Orléans – Paris City, un featuring avec Massali dans lequel il rendait hommage à sa ville, baptisée « Orlinz », aka « 4-5 mon bastion, ma base, mon Q.G. »
En fait je pense que, comme tout le monde, je me suis lancé avec l’idée de représenter les miens, mon quartier et ma ville
Représenter sa ville, c’est finalement quelque chose qui est apparue après-coup, comme une conséquence pour Dosseh. Le rappeur relativise, car représenter son ter-ter, ça fait partie du rap game. « Je viens d’un endroit, donc naturellement, j’en parle dans mes sons. C’est une démarche logique, ça ne va pas plus loin. Je n’ai jamais voulu forcer dessus et que ce soit ça qui me définisse. Tu peux venir d’un endroit, mais en vérité, tout le monde s’en fout. On le fait car cela fait partie de nos codes. Mais à l’échelle du monde, on s’en fiche que tu viennes d’Orléans, de Saint-Denis ou d’Aulnay. »
Couper le cordon
Lorsque Dosseh se confie, il évoque la banlieue et ses quartiers du Centre-Val de Loire :
« Dans les endroits où j’ai traîné, il y a les quartiers comme les Salmoneries, comme l’Argonne aussi. C’est là que je me suis forgé. »
Dosseh photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
Niveau musique en revanche, panne sèche ou presque du côté du 45, car « même s’il pouvait y avoir des figures locales dans le rap, il n’y a pas eu d’artistes qui faisaient assez le poids pour influencer les petits de la ville. » Plus jeune, c’est vers les U.S que ses pensées allaient : « Mes influences viennent d’ailleurs, totalement. Répresenter d’où je viens, c’est pas un but en soi. À l’époque, je voulais faire comme les gros que j’écoutais. Tupac, je voulais être comme lui de ouf, j’adorais son attitude et tout ce qu’il dégageait. »
Dans les endroits où j’ai traîné, il y a les quartiers comme les Salmoneries, comme l’Argonne aussi. C’est là que je me suis forgé
Pour contextualiser sa relation particulière avec la ville délivrée par Jeanne d’Arc, Dosseh choisit sa métaphore. Pour le rappeur, il est nécessaire de couper le cordon ombilical à un moment, pour mieux faire progresser son art. Orléans, une mère un peu envahissante ? Possible selon l’artiste : « Orléans, c’est un point de départ. C’est-à-dire grandir d’une certaine manière, avec certaines personnes dans un environnement. C’est une base donc, mais qui permet aussi de t’élever. D’aller ailleurs, de découvrir d’autres gens, d’autres cultures ou manières de penser. Il faut couper le cordon. C’est comme quand, à 18 ans, ta première envie c’est de quitter l’appartement familial. Tu ne peux pas vouloir ça sans quitter ton quartier. Ce n’est pas logique. »
Une relation tumultueuse
Malheureusement pour Dosseh et son public, l’hexagone compte des villes qui résistent encore à la vague hip-hop… Et Orléans fait partie de cette caste. À l’heure actuelle, le rappeur n’a en effet toujours pas eu l’occasion de se produire chez lui, à la maison : « C’est clair que c’est un passage obligé, mais dans les faits c’est un peu plus compliqué. Le problème se trouve au niveau de la mairie ou des institutions, c’est une ville difficile pour faire du rap. Je n’ai jamais pu faire un vrai concert à Orléans. Ça bloque et du coup, je n’ai pu y faire que des showcases. »
Dosseh photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
Pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque : « C’est un truc obligatoire dans la vie d’un rappeur, c’est important de jouer à domicile. Des gens qui m’ont vu grandir jusqu’aux mecs qui se sentent représentés, c’est important de porter le flambeau ». Déterminé à l’idée de se produire enfin dans son fief, il fera tout pour qu’un concert soit booké : « J’espère que ça ne va pas tarder, comme d’hab, on va enfoncer les portes. » Rappelant notamment que « plus rien ne résiste au rap », musique la plus écoutée de France actuellement.
Je n’ai jamais pu faire un vrai concert à Orléans. (…) C’est un truc obligatoire dans la vie d’un rappeur, c’est important de jouer à domicile. Des gens qui m’ont vu grandir jusqu’aux mecs qui se sentent représentés, c’est important de porter le flambeau
Éloigné institutionnellement des scènes d’Orléans, Dosseh essaye donc de continuer à « procurer des émotions » avec sa musique. C’est là son but précis, essayer de ramener quelque chose de nouveau,
« un petit truc en plus jusqu’à laisser une trace ». Voilà pourquoi il a laissé de côté l’ombre des bâtiments des Salmoneries pour s’offrir d’autres horizons visuels : « Je n’ai pas ce genre de limites en tête. Le monde est bien trop vaste. Quand je suis dans un processus de création, je ne me fixe pas de barrières. Certains peuvent faire 20 clips en bas de la même cité, moi je ne suis pas capable de le faire. Tu peux en faire histoire de représenter, mais je ne peux pas me limiter constamment à ça. »
Reste donc, même s’il a bel et bien coupé le cordon, à boucler la boucle avec un concert en bonne et due forme du côté d’Orléans.
Après avoir découvert la connexion entre Dosseh et Orléans, découvrez comment Marseille a inspiré Reef, Paris a guidé Lomepal et Lyon a influencé Chilla sur apple.com. Vous pouvez aussi écouter leurs morceaux exclusifs ici.
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