Rencontre avec le rappeur du 13ème arrondissement de Paris, à l’occasion de la sortie de son projet Poetic Bendo.
Fort d’une solide expérience en groupe en compagnie de la MZ, Dehmo poursuit son chemin en solitaire. Après la mixtape Ethologie dévoilée l’année passée, il revient ce vendredi 19 janvier avec un tout nouveau projet. Place donc à l’E.P Poetic Bendo, qui présente un artiste en proie à ses démons, capable d’emporter avec lui tout un public.
Pour en savoir plus sur ce nouvel opus et le parcours en solo du rappeur, nous lui avons donné rendez-vous au nord de la capitale. L’occasion d’aborder divers sujets, de ses visions du rap hexagonal jusqu’aux influences qui l’animent. Le tout sans oublier de causer des thèmes abordés dans ses morceaux, entre spleen, rires et jolies femmes.
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En ce moment t’es productif. Après la mixtape Ethologie l’année dernière, tu débarques donc avec un nouveau projet.
En fait, c’est vraiment quelque chose pour préparer la sortie d’un album. Il y a quelques temps j’avais sorti ma mixtape, avec pas mal de sons… Non pas pour évaluer le public, mais par réelle envie de faire un vrai projet solo. Au final il a été très bien accueilli. Je pense qu’aujourd’hui, quand on a de l’inspi, il faut y aller ! J’en ai beaucoup en ce moment, donc voilà un 9 titres ! Mes supporters attendent beaucoup de moi et je veux être au rendez-vous. La musique, j’aime vraiment ça et je n’arrête pas d’écrire.
Cet E.P, c’est une des marches à franchir pour arriver ensuite avec du lourd ?
Le prochain projet il faut que ce soit le meilleur de ma vie, que je me dise : « ah ouais je me suis surpassé« . Pour l’instant, les choses se passent plutôt bien, on n’a pas à se plaindre. On continue car on est sur une certaine discipline qu’on va essayer de garder. Au final, je vais te dire la vérité, je ne sais même pas à quoi ça va ressembler, il y a peut-être des projets qui grimperont plus de marches que d’autres. Peut-être que l’E.P grimpera deux marches et un autre opus cinq marches (rires) ! Comme je te dis, cette discipline que j’ai, elle me force à bosser, à m’élever moi-même, c’est ce que je kiffe.
J’essaye de toujours apporter mon regard, que ce soit en parlant de meufs, de drogue, de famille ou d’argent
A quoi elle ressemble ta fameuse discipline ?
En vérité, on se disait plutôt qu’on allait partir sur 5 morceaux sur Poetic Bendo. Mais chaque fois que je donne un truc -et en particulier dans la musique où je donne plus que ce qu’il faut- je fais le truc à fond. Donc on est arrivé à 10, avant de réduire à 9 titres car c’est plus homogène. Utiliser le terme E.P pour décrire ce projet, c’est peut-être réducteur car je l’ai vraiment bossé. Celui qui va l’écouter ne va pas se dire que c’est un E.P. Ce n’est pas un truc avec un freestyle par ici et des bouts de textes collés, on a que des inédits !
Dans les thèmes, tu restes toujours sur les mêmes idées, notamment quand tu parles des femmes…
Je pense qu’on vit tous la même chose. Que ce soit pour n’importe quel rappeur, les mêmes thèmes reviendront toujours. Mais en fait, c’est la manière dont tu vois les choses qui fait ta différence et qui crée quelque chose. Ce n’est pas ce que j’essaye de faire, c’est tout simplement ce que je suis. Si je parle de meufs par exemple, je ne vais pas en parler comme tout le monde, je vais traiter le sujet comme je le sens. Après si ça correspond aux idées des autres, je me dirai : « t’es pas trop différent de ceux que tu critiques » (rires) ! Mais sinon, ouais, j’essaye de toujours apporter mon regard, que ce soit en parlant de meufs, de drogue, de famille ou d’argent… Même si pour l’argent on a tous le même regard je pense (rires) ! Après, peut-être qu’un jour je vais faire un tuc comme tout le monde, car j’en aurai marre (rires), on ne sait pas !
Est-ce que t’es du genre à t’inspirer d’un délire particulier à chaque fois ?
Clairement non. Je prends tout le temps la tête à mon ingénieur du son, pour que tout soit parfait. Je préfère même aller à fond dans mon délire à moi, et faire quelque chose qui peut déranger musicalement. Que tu te dises : « tiens, là il y a un truc bizarre« . Je préfère ça plutôt que de me dire : « génial, j’ai fait un couplet et un refrain sur une instru propre« . Je préfère me demander si j’ai déjà entendu ça avant, et capter des auditeurs qui sortent : « je trouvais ça chelou, mais plus j’écoute, plus je kiffe ». On m’avait fait la remarque pour mon morceau Ethologie. Il faut découvrir les choses avec les oreilles aussi bien qu’avec nos yeux, je suis plus dans cette approche là… Mon ingé son, je le saoule. S’il me dit que quelque chose n’est pas net, je m’en fous, je veux que ça sonne comme dans ma tête. C’est égoïste, mais il faut que ça me plaise à 100 %.
Il y a tellement de palettes dans le rap français aujourd’hui, je crois qu’il n’a jamais été aussi bien. Que ce soit dans la tendance ou dans l’underground, il y a toujours quelque chose
C’est fou que tu veuilles partir vers des trucs comme ça, alors que tu te disais « très fermé » avant, presque trop « rap français« .
C’est ouf, car ouais j’étais fermé. C’est aussi l’influence de mon ancien groupe (la MZ ndlr), ils en avaient marre que je sois aussi fermé. N’importe quel rappeur à l’ancienne, je vais connaître ses morceaux à mort. Ce que je kiffais, c’était les rappeurs cachés, qui faisaient des morceaux super mal mixés (rires) ! Je n’avais pas encore l’oreille et les Américains, ça ne me disait pas du tout. Je ne sais pas si j’ai vraiment changé ou si j’ai évolué, mais ouais, j’arrive à m’ouvrir. Je suis même passé d’un extrême à l’autre car désormais j’écoute moins de sons français. Ce sont mes concurrents d’un côté, et je trouve qu’ils font du lourd. Il y a tellement de palettes dans le rap français aujourd’hui, je crois qu’il n’a jamais été aussi bien. Que ce soit dans la tendance ou dans l’underground, il y a toujours quelque chose. Dernièrement, les petits de la Squadra ont réussi à me matrixer. Et aujourd’hui, je suis fou des cain-ris, il faut s’intéresser à tout. Si ça se trouve, je vais écouter du rap pakistanais et ça sera chaud ! Plus tu grandis et plus tu as un autre regard sur le monde, avant je n’avais même pas envie d’essayer dès que ça venait de loin.
T’es constamment dans la découverte alors ?
Ouais, tant que c’est bien fait, je vais me pencher dessus. Que ce soit les musiques de jeux vidéo et de films. Parfois, mes potes me demandent ce que je fais quand je mets un son chelou dans la voiture ! Personne s’entend, mais quand je mets une musique, elle reste jusqu’à la fin, tu dois assumer jusqu’au bout même si des fois personne ne s’enjaille ! Il y a aussi une forme de musique que tu as envie d’écouter avec ton casque et pas sur des baffles. Pas sur tes enceintes avec ta pote. Je pense que quand tu fais ça, tu réussis à toucher quelque chose. Avec tes potes, c’est un moment de plaisir que tu partages avec tes gars, mais quand tu écoutes des trucs tout seul, dans ta bulle, c’est comme un autre moment d’émotion, que ce soit avec des paroles ou pas. Je suis plus dans ce truc-là.
En solo aujourd’hui, t’as une plus grande liberté de création ?
Il n’y a même pas besoin de le dire, c’est évident. C’est comme quand tu cuisines à plusieurs, il faut que ton plat soit homogène. Là je suis seul face à mon truc, donc c’est plus facile. Après tu peux t’épanouir en groupe ou en solo, c’est comme tu veux. Mais un artiste doit s’affirmer tout seul d’abord avant d’avoir besoin des gens. Car si t’as besoin des gens, et que tu ne peux pas le faire toi-même, c’est dur, ça montre que tu es trop dépendant. Je trouve que c’est important d’avoir ta touche à toi. Si tu le fais avec plusieurs personnes, cette touche peut coller aussi, et si tu t’en sens capable, pourquoi ne pas partir en solo ?
Je kiffe la scène et j’y travaille. Du moment que je peux sautiller comme un petit con, moi ça me va
Après tes scènes en groupe, tu t’attaques aux lives en solitaire…
Je kiffe la scène et j’y travaille. Du moment que je peux sautiller comme un petit con, moi ça me va. J’en ai fait une chez moi dans le 13ème, c’était lourd. J’espère pouvoir continuer, et voir le public s’agrandir. Il faut essayer d’attirer du monde, créer un mouvement, car j’ai beaucoup d’idées pour mes lives.
Comment tu juges Poetic Bendo au final ?
Il n’y a quasiment que mon sang, que ma voix. Comme je le disais, c’est une histoire d’étapes, de marches à franchir… Peut-être que Poetic Bendo compte pour deux étages (rires) ! Nous, on va continuer à bosser, à essayer de progresser, d’offrir de nouveaux délires et faire la différence par rapport aux autres projets.