Dans les pas d’un rappeur emblématique de la capitale des Gaules : Casus Belli.
Casus Belli photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
Mettre le cap sur différentes villes de l’hexagone via le prisme du hip-hop, voilà le but de cette nouvelle série que vous propose Booska-P, en partenariat avec Apple. Notre visée est simple, dessiner un chemin entre les rappeurs et leurs origines, questionner leurs racines et proposer une cartographie du game. Pour la seconde étape de cette cartographie du game, nous avons rencontré Casus Belli à Lyon.
Lorsqu’on se penche sur la grande carte du rap français, on s’attarde en général assez peu sur Lyon. Pourtant, la capitale des Gaules est une ville qui a de la ressource. Garante d’une authenticité sans faille, elle s’est hissée sur le devant de la scène nationale avec un représentant de choix, Casus Belli. Un artiste dont le destin est intimement lié à la Cité des Gones. Attention, ici le respect se gagne micro en main, mais pas seulement…
Le Rhône dans les veines
Dès ses débuts, Casus Belli a marqué son territoire. Comme un coup de tampon sur un passeport, il a pris soin de faire honneur à Lyon et ses alentours dans ses morceaux. Chez lui, pas de mystère, le but est d’entrer en guerre verbale contre ses rivaux, avec sa ville comme étendard. Face à l’axe Paris-Marseille, il a débarqué les deux pieds dans le game avec son blason sur le coeur. Ainsi, il s’érige comme un défenseur des particularismes locaux : « Mon histoire est liée à la ville. Je reste un MC de Lyon. Dans mes textes, on peut croiser une identité lyonnaise. On a des mots et tout un argot qui est bien à nous, que j’aime utiliser. J’ai toujours fait honneur à un champ lexical qui se rapporte à la ville, à notre manière de parler ».
A ses débuts, un titre a un écho assez dingue faisant résonner l’agglomération, sobrement baptisé Lyon. Avec Casus, c’est bien simple, la ville se pose comme un point de repère, qu’il se doit d’inscrire partout, inlassablement. De quoi mieux mettre en avant un véritable savoir-faire lyrical, sans verlan, peu utilisé dans le coin : « A l’époque, j’avais fait le titre Lyon dans lequel je disais que je n’utilisais pas le verlan, c’était une de mes directives ». Et même si les mentalités évoluent, Casus Belli garde le cap dans son dernier projet, le fameux C.B 2.0 dévoilé en avril : « Aujourd’hui, c’est pareil, pas de verlan dans mes textes, car on ne l’utilise pas chez nous. Maintenant, ce n’est plus trop la même chose car les temps changent ».
Casus Belli photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
Si le verlan est désormais de plus en plus employé, la ville lumière garde cependant ses bonnes habitudes. Casus Belli le rappelle, Lyon ne souffre d’aucun complexe face aux rappeurs venus d’ailleurs. En live, le public gone sait se faire entendre et privilégie la qualité : « Lyon est une étape particulière pour beaucoup d’artistes nationaux. Souvent, c’est une date qui est attendue avec appréhension dans la tournée d’un rappeur. Car le public lyonnais a la réputation d’être plutôt froid, dur et exigeant ». Néanmoins, ce passage permet aussi de regarder plus loin, car « si tu arrives te mettre ce public dans la poche, tu vas marcher partout ».
Mon histoire est liée à la ville. Je reste un MC de Lyon. Dans mes textes, on peut croiser une identité lyonnaise
Fier Rhodanien conscient des particularismes de sa région, Casus Belli rappe donc avec le coeur, loin d’une quelconque stratégie. Chez lui, tout est fait à l’instinct : « Si tu commences à calculer pourquoi tu représentes une ville, ça va se voir. Tu vois l’authenticité d’un artiste quand il est naturel et sans calcul. Il faut faire les choses à l’instinct, avec le coeur ». Ancré dans son territoire, le lyriciste n’est pourtant pas du genre à se renfermer sur lui-même, la musique n’ayant pas de barrières : « Au début tu veux représenter ta ville et ton département, puis ensuite tu te rends compte petit à petit que ta musique dépasse les frontières de ton coin et que tu ne représentes pas que les gars de chez toi, mais aussi ceux qui se reconnaissent dans ta musique » .
Capitale du do it yourself
Rappeur depuis la moitié des années 1990, Casus Belli a connu une époque sans internet et l’exposition médiatique qui en découle. Dans une ville loin des spotlights, il se forge alors un mental à toute épreuve, marque de fabrique d’un 69 qui sait ce qu’il vaut : « Faire les choses en totale indépendance, c’est ancré dans l’identité lyonnaise. On a ça en nous, même chez les jeunes qui arrivent, il y a une certaine débrouillardise ». Le rappeur se pose alors en grand-frère, et prône une ligne de conduite en mode do it yourself, rappelant qu’il ne faut rien attendre de personne : « On organisait nos propres concerts en louant des salles. Cela demande du temps, un investissement. T’es obligé de faire toute une multitude de métiers, d’être ton propre manager, ton graphiste, ton chargé de promo… A Lyon, on est des couteaux suisses ! C’est un mal pour un bien, car au final, t’es complètement autonome. C’est aussi ça l’indépendance, une certaine tranquillité que tu n’as pas ailleurs » .
A force de se montrer, C.B finit par réellement marquer le territoire. Deux salles cultes restent dans la mémoire du rappeur, le Transbordeur et le Nimkasi : « On a fait les deux à guichet fermé, c’étaient des grands moments. On était en tête d’affiche, sans passer par une première partie… Deux salles mythiques qui peuvent t’offrir de grosses ambiances ». Autres lieux marquants dans la carrière du bonhomme, les antennes locales comme Radio Canut, par exemple. Un rendez-vous parfait pour se mesurer aux autres : « La radio, c’était génial pour les freestyles. Lorsqu’un artiste parisien ou marseillais venait, c’était un passage obligé. Il y avait souvent tous les emcees de la ville, il fallait montrer que tu étais le meilleur avec 16 mesures pour tout déchirer ».
Casus Belli photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
« Peut-être qu’on se plaignait de ne pas avoir de lieu dédié au rap, mais on se débrouillait » poursuit-il. Portant la roublardise en bandoulière, il revient sur une époque où tout était possible, qui pourrait bien servir aux jeunes rappeurs pour se faire remarquer : « On arrivait à faire des concerts, à avoir des émissions de radio et d’autres trucs pour diffuser notre musique. Aujourd’hui tout passe par internet, du coup il n’y a plus de concerts avec de jeunes artistes à Lyon, c’est quelque chose qui manque. Pour les rappeurs lyonnais émergents, tout est encore à faire ».
A Lyon, on est des couteaux suisses ! C’est un mal pour un bien, car au final, t’es complètement autonome
Tout est encore à faire, oui, car à Lyon la bourgeoise ne fait pas forcément de cadeaux aux amoureux de la rime. Casus Belli y va de son anecdote pour expliquer le lien particulier que peut parfois entretenir la ville avec ses rappeurs : « Ici, tu as le centre-ville qui est bourgeois, mais les quartiers sont bien présents, comme dans le 9ème arrondissement. La banlieue a son identité, avec Villeurbanne, Vénissieux, ou Rillieux. T’as l’intérieur du périph’ et l’extérieur, tout simplement. Nous, on cherchait à retourner la ville en collant nos affiches, mais les autorités avaient créé une brigade spéciale anti-affiche. On nous disait : « De l’autre côté du périph’, vous pouvez coller, mais pas en ville ». C’était même 500 euros d’amende par affiche (rires) » !
Une seconde jeunesse pour la ville lumière
Désormais, l’heure est venue pour la capitale des Gaules de rayonner à nouveau. Casus Belli revient après une sacrée absence avec le brillant opus C.B 2.0, pendant que de nouveaux venus prennent d’assaut la plateforme YouTube. Aussi passionné qu’à ses débuts, il déclare avoir un sacré défi à relever : « Aujourd’hui, je me sens comme un jeune dans un corps de vieux. C’est un challenge de revenir avec des sons plus actuels, d’essayer de coller avec ce qui se fait maintenant. Je me mets dans la peau d’un jeune déterminé, qui veut se faire plaisir et montrer qu’il sait rapper » !
Pour se différencier, il est revenu aux bases, misant sur une différence qui fait sa force, notamment dans le format. Son C.B 2.0 est disponible en CD dédicacé « pour les vrais », mais aussi sous forme de clefs USB « avec le logo C.B, qui reprend le B du bitcoin ». Une façon très rhodanienne de jouer sur les codes de notre époque et une belle manière de se placer hors de la mêlée.
Casus Belli photographié avec l’iPhone X par Flora Metayer
Dans son sillage, de nouvelles têtes apparaissent, comme par exemple Chilla, que Casus ne manque pas de remarquer. Une new school qui suit le même chemin que l’ancien : « Ils ont cet esprit lyonnais, cette volonté de faire les choses par eux-mêmes. Je suis à fond derrière eux, ils arrivent à te motiver avec la force qu’ils dégagent. Si, en tant qu’ancien, je peux leur donner de la force en retour, je le fais avec grand plaisir. Je suis fier de cette nouvelle génération qui pousse ». Reste désormais aux rookies de porter haut les couleurs du 69. Une chose qui n’inquiète pas Casus pour qui il faut avoir le goût du travail, ce que ces jeunes loups ont en eux.
C’est une ville spéciale, je suis convaincu qu’avec le talent qu’il y a, la lumière va arriver
Dans un dernier mot, il souligne la dualité de la Cité des Gones, sans oublier d’annoncer la couleur. Soyez-en sûrs, la rime de Lyon brillera de nouveau, c’est Casus Belli qui le dit : « Lyon quand on y est, on peut dire que c’est balourd. Mais dès qu’on sort de là, on clame qu’on est fier d’être Lyonnais (rires). C’est une ville spéciale, je suis convaincu qu’avec le talent qu’il y a, la lumière va arriver ».
Après avoir découvert la relation unique entre Casus Belli et Lyon, découvrez comment la capitale des Gaules a inspiré Chilla dans son nouveau morceau, Dans ma ville. Regardez la vidéo réalisée avec l’iPhone et écoutez le morceau complet ici. Plus d’info sur apple.com.
Prochainement, cap sur Marseille avec l’incontournable R.E.D.K. A redécouvrir également, notre ballade à Paris dans les pas d’Oxmo Puccino.