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Tommy Hilfiger raciste ? L’histoire d’une rumeur complètement folle !

Tommy Hilfiger raciste ? L’histoire d’une rumeur complètement folle !

Ou quand des bruits de couloir inventés de toutes pièces vous collent aux basques pendant plus de 20 ans…

Tommy Hilfiger, ou la marque qui résume à elle seule une certaine conception de la mode dans les années 90.

Ses collections, mélange d’inspiration aquatique et de style preppy, habillent alors tant les wasp de la côte est des États-Unis que les ambassadeurs de l’entertainment.

Et parmi ces derniers, figurent en tête de gondole les rappeurs que le très « american way » logo rouge-blanc-bleu accompagne dans bon nombre de séquences depuis devenues cultes : du polo de rugby de Snoop qui interprète en live Lodi Dodi lors du Saturday Night Live, aux caleçons des TLC en passant par les salopettes des Destiny Childs.

Tommy Hilfiger c’est un peu comme notre Lacoste à nous, les couleurs Benetton en plus.

L’bonjour à LaTavia & LeToya

Le marketing du cool en action

Cette popularité au sein du milieu du hashipéhashopé n’est cependant pas uniquement due aux goûts vestimentaires des artistes.

Bien que n’ayant lui-même que peu d’accointances avec cette culture, le designer comprend très tôt les retombées financières qu’il peut en tirer, et ce depuis ce jour où il a aperçu d’un couloir d’aéroport déambulé dans ses créations Grand Puba, membre du groupe Brand Nubian.

« La musique donne une certaine image » déclare Hilfiger dans le New York Times. « Si vous n’avez pas la musique, vous n’avez pas le cool. Vous n’attirez pas les jeunes. »

[Ou comme le résumera Naomi Klein dans son célèbre livre No Logo : il s’agit de troquer le sens du style des gamins rues contre le portemonnaie des parents de gosses de riches.]

Conséquence, sont envoyées des fringues par carton entier à tout rappeur signé en maison de disques afin qu’il porte du Tommy dans ses clips ou à ses concerts. Raekwon, Eve ou encore Jermaine Dupri participent même aux très officiels défilés.

Point d’orgue de cette stratégie (outre la séance photo de Michael Jackson dans Vibe), la signature d’Aalyah en tant qu’égérie en 1996.

Le volume des ventes passe ainsi de 107 millions de dollars en 1992, à près de 500 millions quatre ans plus tard.

Beaucoup de fumée sans feu

C’est donc à l’apogée de la marque que naît la rumeur qui va entacher son image jusqu’à aujourd’hui encore. Fin 96/début 97, une chaine de courriels dans laquelle sont reportés des propos racistes qu’auraient tenus Tommy Hilfiger lors du Oprah Winfrey Show se propage à vitesses grand V.

« Si j’avais su que tant d’afro-américains, d’hispaniques, de juifs et d’asiatiques allaient acheter mes vêtements, je n’aurais jamais mis autant de soin à les produire. Je préfèrerais que ces gens n’achètent pas mes vêtements. Ils sont fabriqués pour les gens des classes blanches aisées. »

Des propos inacceptables donc, mais des propos que le désigner n’a jamais tenu. Et pour cause, il n’a jamais été invité à cette émission de télé.

Oprah Winfrey publiera d’ailleurs en 1999 un communiqué allant dans ce sens,et une enquête sera menée par l’association Anti-Defamation League, mais rien n’y fait : au lieu de doucement s’éteindre, le feu se répend (aucune plateforme vidéo à la Youtube n’existe à cette époque).

« Ce qui est cru est plus important que ce qui est vrai »

La rumeur est citée à toutes les sauces et réapparaît à l’occasion du moindre incident racial.

Dans son autobiographie American Dreamer: My Life in Fashion and Business publiée en 2016, Tommy Hilfiger revient sur cet épisode, et explique sa non-réaction.

« Je pensais que cela n’avait aucun sens, et que toute personne qui lirait une telle chose comprendrait immédiatement qu’il s’agissait là d’une calomnie. D’une part parce que je n’ai jamais dit ou pensée, même de loin, quelque chose d’aussi répugnant, et de l’autre parce que je ne suis jamais allé chez Oprah. J’ai pensé que si j’ignorais cette affaire, elle disparaitrait d’elle-même. »

Hilfiger finit par contacter une agence de relations publiques qui lui prodigue le même conseil : ne rien faire.

D’un point de vue business, dans les premières années ce soupçon de racisme ne va pas porter atteinte à la marque, les ventes continuant de progresser.

[Auraient-elles progressées encore plus sans, telle est la question.]

Jeune Tommy

En 2001, l’effet va néanmoins finir par se faire sentir, et ce en deux temps.

Tandis que les appels répétés au boycott et à « acheter noir » finissent pas porter leurs fruits (les ventes chutent à 356 millions de dollars), la marque voit les rappeurs, non seulement couper les ponts (et avec eux leurs légions de fans), mais aussi et surtout devenir ses principaux concurrents !

Du Phat Farm de Russell Simons, au Rocawear de Jay Z et Dame Dash, en passant par le Sean John de Diddy, la communauté rap se convertit sans complexe aux joies du « Pour Nous Par Nous » initié quelques temps auparavant par FUBU.

Si la réputation exécrable de Tommy Hilfiger ne constitue pas directement la cause de ce mouvement de fond, elle ne l’en a pas moins grandement accéléré.

https://www.youtube.com/watch?v=NgnEOmrntYs

Une décennie après les faits, en 2007, le couturier rencontre finalement Oprah Winfrey face-à-face lors d’une levée de fonds au profit du mémoriel Martin Luther King dont il est l’organisateur.

La présentatrice lui propose alors de venir mettre un terme une bonne fois pour toute à cette rumeur en participant à son show. Dans un premier temps réticent, il se laisse ensuite convaincre par Quincy Jones qui participait lui-aussi à la conversation.

Quelques semaines plus tard, les deux célébrités mettent les choses au clair devant les caméras, convenant qu’il s’agissait là d’un « BFL », un « Big Fat Lie » – un bon gros mensonge quoi.

Si étonnamment aujourd’hui encore ce soupçon de racisme ressurgit de çà et là, Tommy Hilfiger est à nouveau en odeur de sainteté dans les monde du rap.

Certes il ne retrouvera probablement jamais l’aura qui était la sienne 20 ans auparavant, mais à la nostalgie des anciens s’ajoute désormais la curiosité des plus jeunes.

Throwbacks et nouvelles collections ont ainsi fait leur retour par la grande porte. Pas vrai Rocky ?

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