Mine de rien, à travers le vêtement c’est tout un pan de l’histoire du rap qui est raconté…
Du début des années 90 jusqu’au milieu des années 2000, chez les cainris la mode était au (très) large et au (très) coloré.
Baggys, durags, jerseys, grosses baskets, t-shirts blancs qui arrivaient aux genoux… être aperçu avec une marque identifiée culture rap c’était d’une certaine manière signifier son appartenance à un club d’initiés, et ce d’autant plus en France où le pèlerinage à Châtelet-Les Halles faisait figure de must pour quiconque voulait paraître un minimum frais.
Certes aujourd’hui nombreux sont ceux qui assimilent cette époque où défilaient en soirées les sosies de Fifty/Nelly/Diddy aux heures les plus sombres de l’histoire de la mode, mais cela n’empêche pas de regarder dans le rétroviseur avec nostalgie.
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Fubu
Probablement la toute première marque d’envergure conçue avec comme objectif premier de cibler les jeunes noirs américains des ghettos.
Lancé au début des années 90 par Daymond John qui à la base vendait à la sauvette des t-shirts et bonnets confectionnés par ses soins avant de s’associer avec trois de ses potes, FUBU (« For Us, by Us »/« Pour Nous, Par Nous ») mise dès le départ sur le placement de produit dans les clips des rappeurs, et notamment ceux de LL Cool J.
Si très vite les résultats sont au rendez-vous, entre le refus des banques d’accorder un prêt à la jeune entreprise et le lancement de sa première vraie collection en 1995, la belle aventure passe à deux doigts de prendre fin.
Fort heureusement Fubu bénéficie d’un apport de capitaux du sud-coréen Samsung avant de booster ses ventes grâce à un coup de Trafalgar de LL Cool J – engagé pour tourner une publicité télé pour le mastodonte Gap, ce dernier saute sur l’occasion pour faire ni vu ni connu la promo de la marque.
Résultat, en 1998 FB peut se targuer d’un chiffre d’affaires de 300 millions de dollars !
La dynamique va toutefois se gripper au début des années 2000 notamment en raison de la hausse du nombre de compétiteurs, mais aussi d’un déficit de renouvellement.
Devenu en 2009 juge pour l’émission de télé-réalité Shark Tank mettant en scène de jeunes entrepreneurs, Daymond John profite de sa notoriété nouvelle ainsi que de la vague rétro nineties pour relancer son business en 2010 sous l’appellation FB Legacy.
En association cette fois avec la franchise immobilière Century 21, il multiplie depuis les collections capsules en espérant renouer avec ses années fastes.
En tout cas il y croit, lui qui déclarait en 2018 au micro du Breakfast Club que « le monde entier veut être américain, et d’une certaine façon tous les Américains veulent être black car nous sommes ceux qui contrôlons le cool ».
Cross Colours
La doyenne des marques XXXL, fondée en 1989 à Los Angeles par Carl Jones, un ancien étudiant en mode qui auparavant avait créé la marque de vêtements de plage Surf Fetish, et le graphiste TJ Walker.
Les deux hommes sont cependant allés puiser leur inspiration, non pas en Californie, mais à New-York.
« On se baladait dans le métro, on se baladait à Harlem, et on voyait les kids porter des pantalons super larges en taille 38 alors qu’ils faisaient une taille 30. Ils étaient obligés de mettre des ceintures pour ne pas qu’ils tombent. »
« Nous nous sommes alors dits que nous allions fabriquer des pantalons taille 38 avec une taille 32. De là, il a fallu faire des vestes coupées larges pour aller avec, et puis des t-shirts coupés larges pour aller avec les vestes. Tout d’un coup, tout était large ! »
À cela Jones et Walker ajoutent un maximum de couleurs (la caractéristique principale de la marque) et adoptent le slogan Clothing Without Prejudice qui s’accompagne de messages positifs imprimés en grand sur ses pièces (Stop D Violence, Educate 2 Elevate…).
Cross Colours se fait ensuite connaître à grâce à un placement de produit avant l’heure dans Le Prince de Bel-Air.
« Comme nous n’avions pas de budget pour la promo, nous avons apporté nos échantillons en surplus aux studios de cinéma pour qu’ils les passent aux célébrités. Un ami à moi m’a ainsi mis en relation avec la styliste de Will Smith. Quelques jours plus tard, nous passions à la télévision ! »
Les retombées sont immédiates et trois saisons durant rares sont les icônes de la culture black américaine à ne pas se faire photographier en Cross Colours – TLC, 2Pac, Snoop, Dre, Mary J. Blige, Shaquille O’Neal, Magic Johnson, Stevie Wonder…
En 1993 tout s’arrête pourtant net. Outre les ravages de la contrefaçon qui détériorent l’image de marque et une nouvelle collection qui déçoit par sa sobriété, la faillite de leur principal acheteur, la chaîne Merry-Go-Round, plombe en un rien de temps les comptes.
En manque de liquidités, Carl Jones et TJ Walker se résolvent à brader leurs créations dans les bacs à solde, puis à mette la clef sous la porte.
Détenu depuis par River West Brands, une société spécialisée dans le rachat de marques à l’agonie, Cross Colours renaît de ses cendres en 2014.
Toujours pilotée par Jones et Walker, elle rencontre depuis un certain succès notamment en se faisant voir dans les tenues de Drake, Future, Rihanna, Cardi B ou encore Bruno Mars.
Karl Kani
Né au Costa Rica avant d’émigrer à New-York avec ses parents, Carl Williams tombe dans les années 80 amoureux du mouvement hip hop. Si dans un premier temps il tâte du micro et des platines (sous le pseudonyme DJ KK), il comprend assez rapidement que son talent est ailleurs.
Loin de se décourager, il se dit alors que s’il ne peut pas rapper, il peut habiller les rappeurs. À 16 ans il commence ainsi à fabriquer ses premiers ensembles qu’il revend aux mecs de son quartier.
En 1989, Williams, 21 ans, traverse le pays pour emménager à Los Angeles et lancer pour de bon sa carrière – « J’avais 1 000 dollars en poche, quelques échantillons dans ma valise et des rêves plein tête. Je ne savais ni comment j’allais m’y prendre, ni comment j’allais payer le loyer. »
Toujours est-il qu’il sait que s’il veut gagner en visibilité, il lui faut trouver un nom qui capte l’attention.
« Le jour le plus important de ma carrière fut ce jour où un type marchait dans le parc avec l’un de mes ensembles. J’étais là à frimer devant des filles comme quoi c’était moi qui l’avait fait quand l’une d’elles m’a rétorqué ‘Si c’est bien toi qui l’a fait, pourquoi ton nom n’apparaît-il-il pas dessus ?’ Ce fut une révélation, sitôt rentré chez moi, j’ai commencé à chercher un nom. »
« Giorgio Armani, Donna Karan, Calvin Klein… tous ces noms claquaient, mais pas Carl Williams. Et c’est là en me posant toutes ces questions sur mon futur (‘Est-ce que je peux le faire ? Est-ce que je peux bâtir un empire ? Est-ce que je peux devenir le Ralph Lauren de la rue ?’) que Kani m’est venu. »
[Car oui Karl Kani se prononce bien Karl « Kanaille », le nom dérivant de « Can I? ».]
Ceci posé, il conclue un deal avec Cross Colours pour que ses créations à soient distribuées travers le pays.
De là Karl Kani connaît une popularité fulgurante (entre 80 et 100 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel) notamment grâce à 2Pac et Notorious BIG – le premier en refusant toute rémunération pour porter les sweats de la marque, le second en name dropant son nom dans One More Chance.
« Nous voulions devenir l’équivalent de Calvin Klein ou Levi’s sur notre créneau » déclarera ainsi Williams, non sans ajouter « qu’il n’est pas question de s’en prendre à eux, mais d’apprendre d’eux ».
Si le tournant des années 2000 a coupé court à ses ambitions, la marque a eu droit son revival en 2016 avec une offensive menée à la fois sur le marché US (Migos, 2 Chainz, Ariana Grande, Rihanna ou encore Joey Bada$$ ont été vus la porter), mais aussi en Europe via la société de distribution allemande Urban Styles qui la distribue dans 220 points de vente, dont une quarantaine en France.
Phat Farm
Considéré comme le premier entrepreneur du rap, c’est sans surprise que Russell Simmons a investi le créneau du streetwear en 1992 avec Phat Farm – « Phat » renvoyant alors à l’acronyme en vogue signifiant « Pretty Hot And Tempting ».
Fort d’un investissement initial d’un demi-million dollars, il enrôle deux jeunes graffeurs/skateboardeurs de 22 ans, Alyasha Jibril Owerka-Moore et Eli Morgan Gesner (qui fondera plus tard la marque Zoo York), pour dessiner les cinquante premières pièces.
Bien que désireux d’élargir son panel de consommateurs au maximum (des amateurs de rap aux « juifs de 60 ans »), Simmons n’en réduit pas moins l’accessibilité de ses produits pour leur donner de la valeur (points de ventes limités, prix élevés…).
Ou pour le citer : « Nous voulions vendre à tout le monde, mais pas à n’importe qui. »
Dans cet ordre d’idée, il passe en 1994 un partenariat avec USA Classic qui en échange d’un gros chèque assorti d’un pourcentage obtient le droit de produire des vêtements floqués du logo Phat Farm tout en restant sous sa supervision.
Malheureusement, USA Classic fait faillite peu de temps après, plongeant dans le rouge la comptabilité de la marque.
Déficitaire à hauteur de dix millions de dollars sur ses six premières années d’activité, Phat Farm finit par trouver son public jusqu’à générer 300 millions de dollars de revenus annuels au début des années 2000.
Pas peu fier de sa réussite, Simmons observe qu’à cette période « dans les centres commerciaux comme Macy’s, ce ne sont plus du Calvin ou du Polo que l’on trouve, et encore moins du Tommy, mais du Phat, du Sean John, du Ecko, du Rocawear, du Enyce, du Shady… ».
C’est d’ailleurs dans cette logique hégémonique qu’en 1998 sa femme Kimora Lee crée une ligne de vêtements et de produits de beauté destinés aux femmes, Baby Phat.
L’histoire ne dit pas ensuite si les Simmons en ont eu selon la rumeur marre d’être cantonnés à « l’ethnique » ou s’ils ont senti que le vent allait tourner, mais en 2004 ils ont revendu Phat Farm et Baby Phat à Kellwood Company pour 140 millions de dollars.
Divorcé en 2009, Russell Simmons a alors lancé cette même année deux nouvelles marques qui ont rapidement disparu des radars (Argyle Culture en association avec la chaîne de magasins Macy’s, et American Classic sous la houlette des supermarchés Wal-Mart).
De son côté Kimora Lee supervise toujours Baby Phat, qui contrairement à sa maison mère continue d’être actif.
Wu-Wear
Non la marque de RZA et ses pirates du Staten Island n’est pas la première ligne de vêtement crée par des rappeurs : ce titre revient aux Naughty By Nature qui avaient ouvert le bal en 1991 avec Naughty Gear dont les pièces reprenaient leur célèbre logo orné d’une batte de baseball.
Le Wu-Tang a ensuite repris en 1995 ce concept de merchandising à grande échelle sous l’impulsion de l’un de leurs membres affiliés, Oli ‘POWER’ Grant, qui flaire là qu’il y a un coup à jouer.
« Quand on a commencé, les mecs n’en avaient rien à foutre de la façon dont ils s’habillaient. Ce qu’ils cherchaient avant tout c’était de vendre leur musique, ils ne faisaient que ça. »
Retranscription textile de l’univers du groupe, Wu-Wear ouvre alors plusieurs magasins à son nom propre (à New York, à Philadelphie, en Virginia et à Atlanta), non sans se payer le luxe de collaborer en 1999 avec Nike pour une SB Dunk de légende.
Directement corrélée sur la popularité du groupe, les pièces de la marque deviennent rapidement un must pour tout fanatique qui se respecte.
Évidemment une fois le Clan en déclin, les ventes piquent du nez et Wu-Wear finit par fermer ses portes en 2008.
Reste que comme tout le monde sait : « le Wu-Tang c’est pour toujours ». Suite à divers collections capsules, en juin 2017 Grant annonce un reboot la marque avec des coupes plus ajustées à l’époque (mesdames, qui n’a pas son crop-top rose bonbon Shaolin ?).
Sean John
Très certainement la ligne de vêtements la plus respectée en dehors du monde du hip hop.
Fondée en 1998 par un Puff Daddy dont on peut soupçonner qu’il ait choisi de faire carrière dans la musique uniquement dans le but de se pavaner autant qu’il le peut sur scène et dans les clips, Sean John joue d’entrée de jeu la carte du streetwear haut de gamme avec ses ensembles jeans, ses fourrures et ses survêtements velours.
Promu comme le reflet du flamboyant style de vie de son créateur, la marque bénéfice en sus d’une visibilité inédite grâce à son carnet d’adresse rempli à ras bord de copains riches et célèbres issus de tous les milieux du show business (Jamie Foxx, Penélope Cruz, Naomi Campbell & Kevin Bacon, Dwyane Wade…).
C’est d’ailleurs animé par cette ouverture d’esprit qu’il organise en 2001 le tout premier défilé de mode télévisé en direct, s’attirant là toute l’attention des professionnels de la profession.
Et puis en 2004 vient la consécration : après avoir ouvert en grandes pompes un flagship store sur la très prestigieuse Cinquième Avenue, Puff Daddy se voit récompensé par le très solennel Conseil des créateurs de mode américains du titre de designer de l’année devant Ralph Lauren et Michael Kors !
Pas calmé pour autant, il innove à nouveau deux ans plus tard en investissant le marché du parfum avec Unforgivable, le Scorpio de la génération rap – I AM KING et 3 AM suivront.
La suite sera néanmoins un ton en dessous, avec une baisse du chiffre d’affaires (350 millions en 2010 contre 525 millions en 2008) et la fermeture du fameux magasin newyorkais. Loin d’avoir dit son dernier mot, Puffy passe alors un deal d’exclusivité avec Macy’s pour distribuer Sean John dans ses rayons et sur le net.
Toujours dans le game après plus de 20 ans d’existence (de nouveaux modèles sont fréquemment proposés), la marque peut ainsi se vanter d’une longévité inégalée.
Rocawear
1999. Passablement vexés de s’être pris un stop de la part d’Iceberg après avoir tenté d’établir un partenariat, Jay-Z et Damon Dash décident d’arrêter de porter leurs sweats à tout va, mais aussi et surtout de sortir leurs propres fringues.
Promu à tort à travers dans les clips du crew, les lyrics du patron (« Rocawear, I’m the young black Ralph Lauren ! ») et lors de soirées d’après défilés d’anthologie, la marque se mue rapidement en machine de guerre jusqu’à générer 700 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel et se retrouver commercialisée dans 25 pays.
Rocawear devient ensuite en 2004 la seule propriété de Jay-Z après que Dash ait accepté de revendre ses parts en échange de 22,5 millions de dollars de compensation et du contrôle des marques satellites (Team Roc, Pro-Keds, State Property…).
Huit ans plus tard, le 6 mars 2007, le maître des lieux revend le tout au groupe Iconix Brand Group Inc. (Lee Copper, Starter, Rampage…) qui débourse pour l’occasion 204 millions de dollars, une somme encore à ce jour inégalée dans l’histoire du rap et de la mode !
Si dans premier temps l’auteur de Blueprint conserve un rôle directeur artistique et continue de faire la publicité de la marque, malgré un resserrage des coupes et une approche plus « fashion », au tournant de la décennie les chiffres fondent comme neige au soleil.
2015 sera ainsi la dernière campagne d’affichage digne de ce nom (coucou Fabolous), tandis que désormais Rocawear n’est plus disponible que sur le site internet Dr Jays à des prix défiant toute concurrence – pour ce qui est de la qualité en revanche, c’est à voir.
Reste qu’il y a quelques mois, Jay-Z a dû s’acquitter de 15 millions de dollars pour racheter la propriété intellectuelle de la marque après qu’Iconix l’ait poursuivi devant les tribunaux au motif que le merchandising Roc Nation constituait une forme de concurrence déloyale.
Ecko Unlimited
A contrario des exemples précédents, la marque a été fondée par deux jeunes blancs-becs sans aucune street credibility, Marc Echo (né Marc Milecofsky) et Seth Gerszberg.
Lancée en 1993 alors qu’ils fabriquaient des t-shirts dans leur coin, elle met quelques temps à trouver son identité entre changement de nom (elle se faisait appeler au départ Ecko Unlimited by Mark Echo avant que Mark Echo ne fasse légalement changer son patronyme pour Mark Ecko) et avènement de son fameux logo en forme de rhinocéros aux faux airs de Lacoste et Ralph Lauren.
Financièrement la tâche est également été ardue, la petite entreprise manquant de peu de fermer définitivement ses portes en 1997.
Malgré un volume de ventes estimé à 6,5 millions de dollars, les pertes avoisinent les 16 millions. Dans l’obligation de trouver un repreneur face aux refus des banques de les renflouer, le duo s’associe avec Scope Imports, une société d’import, qui en échange de 80% de leurs parts règle leur dette.
Remis sur selle, Ecko et Gerszberg trouvent enfin la formule magique, notamment en se diversifiant au maximum (lunettes de soleil, chaussures, montres, la ligne pour femmes et enfants Ecko Red…).
Conformément à l’accord négocié, ils rachètent un an et demi plus tard la totalité des parts cédées auparavant.
S’ensuit une décennie fructueuse ponctuée d’acquisitions (Zoo York, Avirex..), de coups de génie (la création du média Complex)… et de folles dépenses (genre louer un Boeing 747 ou acquérir des bureaux de 2 600 mètres carrés où trône au beau milieu un terrain de basketball) qui finissent par plomber la compta.
Conséquence, en octobre 2009, rebelote : en manque de liquidité malgré son milliard et demi de chiffre d’affaires et ses 1 500 employés, Ecko Unlimited est racheté par Iconix qui en échange de 109 millions de dollars (oui ces gens ont de l’argent) prend contrôle de 51% du capital.
Reconduit dans ses fonctions, Mark Ecko est toutefois contraint de céder ses dernières parts en 2013, quand bien même cela n’empêche pas son ancienne boîte de faire faillite en 2014.
Sinon histoire d’ajouter du drama au drama, en 2015, Gerszberg accuse Iconix de « sabotage » et poursuit le conglomérat en justice pour avoir délibérément cherché « à ne pas promouvoir, protéger, et ainsi préserver la marque Ecko ».
Enyce
En 1994, Tony Shellman, Lando Felix et Evan Davis, tout trois dans leur vingtaine, tout trois originaires de Seattle et tout trois avec un passé dans le streetwear (Cross Colours, Urban Issue, Canal Jeans…), créent Mecca USA sous l’égide d’International News.
Deux ans plus tard ils font cependant bande à part devant la volonté de leur financier de diversifier au maximum l’offre (chaussettes, parfum, bijoux…), là où eux restent avant tout des amoureux du vêtement.
Ils s’en vont alors bosser pour Fila chez qui ils conçoivent la ligne Fila Lifestyle qui leur vaut de décrocher un nouveau partenariat.
Et c’est ainsi qu’en février 1996 naît Enyce (« eh-NEE-chay ») dont le nom renvoie à la prononciation phonétique de NYC avec l’accent italien.
Positionné sur un créneau plus chic avec ses chemises, polos et autres shorts en toiles, la marque se bâtit rapidement une petite réputation.
En juillet 2003, la nouvelle maison mère de Fila, Sport Brands International, prend la décision de revendre Enyce pour 114 millions de dollars à Liz Claiborne, une ancienne créatrice de mode célèbre pour avoir été dans les années 80 la première femme classée dans les 500 plus grosses fortunes du pays.
Claiborne manque toutefois de maintenir la marque à flot, à tel point qu’elle se résout cinq ans plus tard à accepter en pleine crise économique les 20 petits millions de dollars posés sur la table par Puff Daddy pour la reprendre.
Confiant, le Bad Boy clame « avoir un plan à long terme mélange de techniques de marketing nouvelles, d’acquisitions de parts de marché et de lancements de licences ».
Apparemment tout ne s’est pas passé comme prévu puisque la dernière fois où Enyce a fait les gros titres ce fut en 2012 lorsqu’un incendie a ravagé une usine de confection au Bangladesh et que 120 travailleurs ont trouvé la mort.
Des pièces de la marque avaient alors été retrouvées sur les lieux, poussant de nombreux syndicalistes et militants à exhorter Puff Daddy à mieux considérer le choix de ses sous-traitants.
Pelle Pelle
La doyenne de toutes les marques XXXL.
En 1976, le jeune designer Marc Buchanan revend Gandolf & Company, une ligne de vêtements hommes et femmes spécialisée dans le cuir créée cinq auparavant dans son Detroit natal.
Deux ans plus tard, inspiré par mouvement hip hop naissant, il créée Pelle Pelle qui comme son nom l’indique (« pelle » signifie « cuir, peau » en italien) propose toujours des cuirs, mais aussi des jeans coupes larges que l’on n’appelle pas encore baggys.
Buchanan se taille alors une renommée en proposant ses fameuses vestes hyper travaillées tout en broderies et en couleurs dont les prix dépassent bien souvent les trois zéros.
Pelle Pelle connaît son âge d’or au début des années 2000 où, malgré une concurrence exacerbée, quantité de rappeurs name droppe la marque dans leurs textes (50 Cent, Ludacris, Jay-Z, Kanye West…) ou s’affichent avec elle dans leurs clips (Lloyd Banks et le fameux cuir Escalade, Mobb Deep, Fat Joe..).
Pas spécialement porté sur le sponsoring direct, Pelle Pelle opère un tournant au début des années 10 en habillant certains talents de la scène newyorkaise comme Papoose ou French Montana.
Peu après les quarante ans de la marque en 2018, Marc Buchanan met cependant plus ou moins fin à l’aventure en annonçant sa retraite, tant et si bien qu’après une période de déstockage intense, seuls le site internet et les réseaux sociaux Europe de Pelle Pelle sont aujourd’hui encore actifs.
G-Unit
Dévoilée au grand public suite au raz-de-marée Get Rich’ Or Die Tryin’, la G-Unit Clothing Company procède en réalité d’un business plan rondement mené par Shady/Aftermath/Interscope depuis ce jour où 50 Cent a signé chez eux.
Tout comme avec Fetsih lancé par Eve la même année, la marque est le fruit d’un partenariat passé avec Marc Ecko qui laisse le soin à Fifty et sa bande de gérer tout l’aspect design tandis qu’Ecko Unltd prend en charge la confection et le marketing.
Et c’est ainsi que porté par des campagnes publicitaires d’anthologie, le monde du rap s’est mis à porter des t-shirts siglés « Gorilla », des bandeaux pour la tête ou de très douteux débardeurs ficelles.
Porté par son élan, l’auteur d’In da Club s’en va conclure un deal similaire avec Reebok pour produire sa propre ligne de sneakers (plus des t-shirts à l’effigie de sa propre ligne de sneakers), non sans pomper sans vergogne Ilie Nastase et Michael Jordan.
Symbole de la marque qui surfe avant tout sur un effet de mode plutôt que sur la qualité de son offre, G-Unit Clothing pique du nez quand la vague G-Unit finit par s’estomper.
C’est donc logiquement qu’en février 2008 est annoncée la fin du partenariat avec Ecko, même si histoire de faire bonne figure 50 proclame vouloir contenir de faire vive la marque.
Les nostalgiques de la « Yayo dance » peuvent néanmoins se consoler en allant shopper du merch sur le site dédié.
Vokal
Trois ans avant Country Grammar, en 1997 Nelly, son cousin Yomi Martin et Kyjuan des St. Lunatics déboursent chacun 100 dollars pour faire produire une trentaine de t-shirts et les vendre à la sortie de leurs concerts.
L’opération est un succès, ce qui pousse le trio à renouveler l’expérience, puis à se professionnaliser.
Ainsi naît Vokal dont le lettrage signifie à juste titre « Very Organized Kids Always Learning ».
Du coup lorsque Nelly écoule en quelques mois huit millions de copies de son premier album, déjà prête, la ligne explose instantanément sur la scène nationale.
Fort d’un volume de ventes proche des 100 millions de dollars en 2003, le trio se lance dans un nouveau pari : dessiner des jeans qui épousent vraiment les courbes des femmes via une nouvelle marque baptisée Apple Bottoms.
Cette dernière cartonne d’entrée de jeu grâce au soutien de célébrités de premier ordre comme Ashanti, Vivica A. Fox et Oprah Winfrey.
En 2007, elle entre au patrimoine de la musique mondiale grâce au tube Low de Flo Rida dont le refrain chanté par T-Pain est dans toutes les têtes… à tel point que le morceau est aujourd’hui plus connu sous le titre « Apple Bottom Jeans de T-Pain ».
Côté Vokal, l’ambiance n’est pas la même. Entre un procès intenté en 2004 par un obscur groupe de rockeurs éponyme, un changement de partenaire de licence en 2005 et des nouvelles collections qui ont peiné à séduire, en 2008 la marque est mise en hiatus.
Apple Bottoms présente toutefois une ultime campagne en 2010.
Notez qu’à l’heure actuelle un site internet existe toujours, quand bien même il semble daté des années Windows.
K-Swiss
Avant la déferlante Air Force 1 au début des années 2000, il y a eu à la fin des années 90 la Tennis Classic de K-Swiss.
Moins chère que la concurrence (dans les 80 dollars, contre plus de 100 pour les Nike, Reebok, Adidas & consorts) mais toute aussi blanche, elle et toutes ses copines (à l’époque rien ne ressemblait plus à une K-Swiss blanche qu’une K-Swiss blanche) ont pendant quelques saisons sérieusement bousculé la hiérarchie du marché de la sneaker.
Popularisées par un Eminem au top de sa forme, elles se portaient dixit la réclame « avec un jean, avec un short, dans une caisse ou avec son crew ».
Malheureusement pour la marque fondée en 1966 par Art et Ernie Brunner, deux frères tout juste débarqués en Californie de leur Suisse natale (d’où le « K », d’où le « Swiss »), après que le volume des ventes ait atteint en 2005 les 500 millions de dollars, la descente fut brutale.
Délaissé par les plus jeunes, snobé par les amateurs de tennis qui constituaient son premier public, entre 2009 et 2012 K-Swiss enregistre des pertes s’élèvant à 195 millions de dollars.
Racheté en janvier 2013 par le Coréen E-land World Limited pour 170 millions de dollars, lui-même racheté en août 2019 par le chinois Xtep International Holdings Limited (qui au passage s’est offert Palladium et Saucony), la société a évité les affres de la liquidation.
Mieux, depuis quelques mois elle semble avoir retrouvé une vigueur qu’on ne lui connaissait plus : arrivée de Venus Williams dans ses rangs l’année dernière, collab’ avec YG et Clark Kent, capsule inspirée du film culte Clueless…
Ou pour citer directement leur site internet : « K-Swiss renoue avec la croissance et la profitabilité, prête à écrire le prochain chapitre de son histoire ».
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