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La vie d’un pimp racontée par un pimp, un vrai ! [DOSSIER]

La vie d’un pimp racontée par un pimp, un vrai ! [DOSSIER]

Icerberg Slim n’a pas toujours été écrivain. Auteur du livre culte « Pimp, mémoires d’un maquereau », celui qui 20 ans durant a vu défiler près de 400 femmes sous sa coupe dépeint un quotidien à mille lieux de l’imagerie glamour popularisée par les rappeurs…

L’une des clefs du pimp game c’est de ne jamais se laisser attendrir par une femme, sous aucun prétexte. Qu’elle crie, qu’elle pleure ou qu’elle supplie, peu importe. Pour tenir son rang dans le club très fermé des maquereaux dignes de ce nom, il faut être intraitable.

Et dans son genre Robert Beck, alias Iceberg Slim, sait se montrer des plus intraitables.

La petite histoire veut qu’il ait hérité de son surnom pour sa capacité à rester de marbre, « cold », dans les situations les plus étriquées – pas de mains moites ou de respiration saccadée.

Preuve en est avec l’une des scènes les marquantes (et les plus dérangeantes) du livre où il partage sa recette toute personnelle pour recadrer une employée récalcitrante rencontrée quelques semaines auparavant. Alors qu’elle est assoupie, Iceberg saisit un cintre en fer, l’allonge, le torsade, puis commence alors sans crier gare à la fouetter de toutes ses forces. Au-delà des larmes, au-delà du sang, jusqu’à la terreur, il continue de la lacérer encore et encore.

L’idée est de marquer une fille pour la vie, tant physiquement que mentalement. Elle doit comprendre qui est en charge une bonne fois pour toutes.

Money Over Bitches

Dans Pimp, mémoires d’un maquereau, les scènes crues de ce type se succèdent sans discontinuer, du viol de l’auteur en passant par les injections d’héroïne et les crises de manque.

Le pimp game reste avant tout un business. Ou comme aime à le répéter Glass Top, l’un des mentors de Beck : « Je fais passer les affaires avant tout. Il n’y a pas la moindre once de haine en moi ».

Lui aussi en connaît un rayon question manipulation et ressources humaines.

Extrait : « Et au lieu de châteaux en Espagne, c’est de l’héro que je lui mets dans la tête (…) La cervelle commence à partir en bouillie. Alors, je m’inquiète terriblement pour elle. Je commence à ajouter de la morphine ou de l’hydrate de chlore à ses shoots. Pendant qu’elle est dans les vapes, je l’asperge de sang de poulet. Quand elle se réveille, je lui dis que je l’ai trouvée comme ça dans la rue et que je l’ai ramenée. »

L’Iceberg au sommet de son game

Popularisé par les films de la blaxploitation puis par une certaine frange du rap, le mythe du maquereau entiché de créatures enamourées prêtes à tout pour satisfaire ses désirs en prend ici un coup.

Si le mac a toujours bénéficié d’une certaine aura complaisante dans une partie de la culture black américaine, c’est qu’avant d’être un trafiquant de chair, il incarne d’une certaine façon le self-made-man américain, avec un zest de revanche raciale.

« Je serais devenu pour le reste de mes jours un de ces Noirs cireurs de pompes ou porteurs de valises, prisonniers d’un monde blanc aux murs infranchissables. Avec ma pute à la peau noire, j’étais sûr de me ramasser du fric par paquets et c’étaient les Blancs de ce monde interdit qui allaient me le jeter dans les poches. »

Culture de la rue oblige, l’ascension verticale se fait dans l’ostentation, à coup de figures imposées : Cadillac Coupe Deville, piggy rings, permanentes et autres fourrures. Si l’imagerie Hip Hop se concentrera plus tard sur cet aspect, il serait réducteur de ne retenir d’Iceberg Slim uniquement l’auteur qui a inspiré les pseudos de rappeurs comme Ice Cube ou Ice-T (lui aussi ancien mac reconverti, ndlr).

Un auteur de talent avant tout ?

Son œuvre, et notamment sa Trilogie du ghetto (Pimp en est le premier tome, suivent Trick Baby et Mama Black Widow), lui vaut une place de choix parmi les écrivains les plus influents de son époque.

Son portrait des bas-fonds a en effet réussi à capter ce qu’aucun universitaire ou sociologue n’a su faire avant lui : dépeindre sans fard de la crise de 1929 à l’avènement des mouvements pour les droits civiques tout l’univers des ghettos noirs américains à coup de violences sociales, virilité dégénérée, abus sexuels et ségrégation raciale.

Bien sûr son passé dérange, quel que soit le degré de romance injecté dans cette œuvre présentée comme autobiographique. Mais n’est-ce pas là la force du vécu que de permettre de saisir un réel que l’on ne veut pas voir ?

Le film Coffy, avec Pam Grier dans le rôle-titre.

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