Avec plus de 5 millions de disques vendus en moins de dix ans, Maître Gims constitue l’un des poids lourds les plus importants du rap français, et certains de ses tubes, en solo ou aux côtés de Niska ou Orelsan, ont fini par convaincre même les auditeurs les plus réfractaires…
Pourtant, le public rap averti reste globalement très mitigé à son sujet, et le chanteur peine à se défaire des clichés collants à sa musique et à son personnage – reste à savoir s’il cherche réellement à s’en détacher, mais là n’est pas la question.
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A quelques jours de la sortie de son troisième album solo, il était donc grand temps de réhabiliter Maître Gims auprès de la frange du public peinant encore à l’accepter comme un véritable rappeur.
1. Il s’agit avant tout d’un très bon rappeur
Si la profusion de tubes dansants envoyés à longueur d’année par Maître Gims ne fait que renforcer sans cesse son image de neo-chanteur de variété, plus proche, dans l’idée populaire, de Claude François que de Lino, on a tendance à oublier que ses qualités de kickeur sont restées intactes. L’époque où la Sexion d’Assaut enchaînait les freestyles de rue est révolue depuis longtemps, mais, de la même manière que l’on n’oublie pas comment on fait du vélo, les automatismes sont toujours là chez Gims, qui semble prendre beaucoup de plaisir à remettre les pendules à l’heure. Dernier exemple en date : le titre Loup-Garou, en featuring avec Fianso, dont la sortie a constitué l’un des petits événements de ce premier trimestre 2018 – faisons l’impasse sur le leak prétendument subi par ce morceau.
Sur ce morceau, c’est avant tout la performance de Gims qui a surpris les auditeurs, étant donné que sur Arafricain, sa précédente collaboration avec Sofiane, il se contentait de chantonner sur le refrain. Ici, retour aux basiques : egotrip, fast-flow, punchlines (« français, françaises, j’arrive en paix, 190K sur le poignet »), on est clairement dans ce que le rap a de plus pur. Bien entendu, on peut se poser des questions au sujet des réactions parfois un peu trop dithyrambiques à ce morceau, dont l’exagération découle certainement de la trop grande rareté des couplets réellement rappés par Gims ces dernières années, mais l’essentiel est là : qu’on le veuille ou non, il reste un excellent rappeur, et un mec capable de tenir tête sans le moindre problème à l’un des principaux kickeurs actuels en France, Fianso.
2. Si vous n’aimez pas sa musique, vous pouvez apprécier ses autres facettes
Au-delà de ses qualités de kickeur, Maître Gims reste avant tout un hitmaker, et peut par conséquent laisser de marbre les amateurs de rap plus profond. Si le chanteur ne convainc pas forcément tout le monde, on peut alors se tourner vers ses multiples autres activités : entre sa passion pour le dessin et notamment la bande-dessinée, sa marque Vortex, son autobiographie, ou ses participations à des émissions de télévision, il existe forcément un rôle dans lequel il pourra vous convaincre de réviser vos jugements sur lui.
3. Il a permis au rap d’entrer dans des foyers auparavant hermétiques
De mieux en mieux accepté en société, le rap français touche aujourd’hui tous les types de public, y compris des catégories de population que l’on pensait hermétiques. Aujourd’hui, le consommateur de rap moyen peut aussi bien être une mère de famille cinquantenaire qu’un chef d’entreprise, ou qu’un enfant qui souffle sa huitième bougie en se déhanchant avec sa grand-mère sur Bella ou J’me tire. En misant sur la fusion du rap, du chant, et de rythmiques empruntées aussi bien à la pop qu’à la rumba congolaise ou à la musique latine, Maître Gims est l’un des principaux artisans de cette démocratisation récente du rap. Grâce à lui, et à cette catégorie de rappeurs très grand public, comme Soprano ou Black M, notre musique a fait son entrée dans des cercles qui lui semblaient fermés à tout jamais.
On pourra toujours railler sur le fait que le rap ait dû se travestir et montrer patte blanche pour toucher à la case prime time de TF1, ou se faire une place dans certaines playlists, mais on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre : amener une catégorie de population allergique à cette musique à attendre le prochain album de la Sexion d’Assaut, ou à tomber sur un couplet énervé de Fianso au détour d’un album de Maître Gims, c’est une première victoire, et surtout un excellent cheval de Troie pour le reste des rappeurs français. Aujourd’hui Gims, demain Orelsan, la semaine prochaine Damso, et avant la fin du mois, vous pourrez glisser un morceau d’Alkpote au milieu des playlists de votre grand-mère.
4. Détester Maître Gims, c’est un peu trop facile
Tête de turc des auditeurs un peu trop à cheval sur la définition de ce que doit être le rap, Maître Gims subit depuis bientôt dix ans les mêmes critiques au sujet de sa musique. « Musique de fête foraine », « pauvreté des lyrics », « rap pour goûter d’anniversaire », « playlist de supermarché » : dans le flot ininterrompu de critiques, difficile d’en trouver une réellement originale, ou fondée sur l’aspect très populaire de sa démarche artistique. Vouloir à tout prix détester Maître Gims, c’est oublier que la musique n’est pas faite uniquement pour une élite d’auditeurs régents du bon goût et de la sophistication, mais qu’elle se veut également un moyen de rassembler les auditeurs et de véhiculer des sentiments positifs. Comme Big Flo et Oli, Booba, ou JUL, on constate que Maître Gims fait partie de ces rappeurs que l’on aime détester. La prochaine fois que vous souhaitez haïr un artiste, soyez un peu plus sûr de vos moyens, et fixez-vous un minimum de challenge en allant taper sur un rappeur qui fait réellement l’unanimité.
5. Il ne se laisse pas palper
Derrière des orientations artistiques en apparence très innocentes, Maître Gims est très loin d’accepter le rôle du rappeur gentil pour public peu averti. Et quand on l’attaque, il n’hésite pas une seconde avant de sortir les crocs : si ses échanges sur Twitter – sans se mentionner une seule fois – avec Rohff sont entrés dans la légende (avec le fameux « J’ai dit non à ta zumba petit »), on peut également mentionner ses très nombreuses altercations virtuelles avec Joeystarr, mais aussi ses brouilles avec Despo Rutti ou encore avec la communauté vegan… Mieux, Gims a récemment prouvé qu’il était encore capable d’écrire de véritables clashs, comme le prouve le titre Marabout, dont la majorité des lyrics semblent directement adressées à Dawala. L’aspect le plus incroyable de ce titre reste quand même le fait que Dawala puisse aussi bien se sentir insulté par les paroles que taper des pas de danse sur le refrain – c’est la petite touche perso de Maître Gims, d’un côté il te clashe, de l’autre il t’ambiance.