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Lord Esperanza : Détermination et aspirations lunaires [PORTRAIT]

Lord Esperanza : Détermination et aspirations lunaires [PORTRAIT]

Une carrière courte mais déjà pleine de rebondissements, plongez dans l’univers sinueux de Lord Esperanza.

Crédits photos : Antoine Ott

Sur une échelle de 1 à 1000, le nombre d’années de Lord Esperanza est inversement proportionnel à son degré d’ambition. À tout juste 20 ans, le jeune rappeur parisien accumule les clics et les vues sur les plateformes de streaming audio et vidéo. En solo ou en groupe, il a développé son écriture et s’est forgé au fil du temps un univers très personnel. Si certains le considèrent comme à l’avant-garde, c’est en réalité le terme de précoce qui convient le mieux pour définir ce personnage atypique. Il n’est pas encore précurseur mais pourrait bien le devenir. Quelques mois après la sortie de son deuxième EP intitulé « Drapeau Noir », nous avons rencontré Lord Esperanza pour parler de son jeune parcours dans le rap et de ses ambitions. Record.

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Laissez place à l’enfant du siècle

L’enfant du siècle, comme il aime à se surnommer, a vu le jour juste avant le début du 21ème. Au coeur même de la capitale, sa grande soeur écoute Doc Gyneco et ses parents MC Solaar. « Qui sème le vent récolte le tempo » raisonne aux côtés de « Ma salope à moi », sa sensibilité pour le rap se développe doucement au milieu des années 2000. Très jeune, il se prend de curiosité pour la littérature, et tout ce qui l’entoure « Je viens de l’écriture à la base, plus que de la formation musicale. Vers mes 12/13 ans j’ai eu envie de mettre en musique les textes que j’écrivais déjà depuis un bout de temps ». La génération L’Entourage, comme les anciens avec qui il a découvert le rap, lui insuffle la flamme et l’envie de se lancer. Parmi les gens qui le soutiennent dès ses début se trouve Flavien, un homme de l’ombre qu’il considère aujourd’hui comme son âme soeur et une de ses plus belles rencontre humaine « Je n’étais pas du tout soutenu par mes parents au départ. Flavien a cru en moi dès le début et m’a permis d’enregistrer tout mon premier projet chez lui gratuitement ».

Mon père ne croyait pas du tout en ce que je faisais. C’est quelqu’un issu des études, il avait du mal à considérer ça comme un vrai métier

« Hors de portée », le premier EP du rappeur parisien, paraît le 26 juin 2015 par l’intermédiaire de Modulor. Cette structure de production et distribution digitale est la première à donner sa chance à Lord Esperanza alors qu’il n’a que 18 ans et additionne quelques centaines de vues sur YouTube « J’étais très ignorant et très naïf à l’époque. Même si je trouve certaines choses mal écrites et pas cohérentes avec l’image que je veux développer aujourd’hui, ce projet m’a beaucoup appris ». Pour la première fois, il apprend à penser un projet dans sa globalité. Il conceptualise la notion d’image et de gestion des réseaux sociaux. Une première fanbase voit le jour, timide mais bien accrochée, les prémices d’une future armée. Pour étancher sa soif de création, il crée très tôt plusieurs groupes. Accompagné de Pollux, de 6 ans son aîné, il va former Lord & Lux et envoyer deux projets en l’espace de deux mois, juste avant l’été 2016 : « J’étais dans une période de ma vie où j’avais besoin de créer. J’avais besoin de quelqu’un pour me soutenir et pour tenir la cadence effrénée que je m’imposais ». « Luxury » d’abord, puis « Kronos », deux projets qui lui permettent de se remettre en question et mettre son égo de côté pour travailler un ensemble commun. Une nouvelle histoire humaine qui le fait grandir.

Nous sommes à l’orée du mois de Juillet et Lord s’apprête à enregistrer un morceau qui va changer sa carrière. Un peu plus tôt dans l’année, son pote Eden Dillinger partage le morceau « Billy Cocaine » d’un certain Django, cumulant près de 3000 vues sur YouTube. Les trois compères se décident à faire un morceau ensemble et tournent le clip début juillet, c’est la naissance du morceau « Killcam ». Lorsque le morceau sort, Django atteint son premier million de vues avec « Fichu » et emporte avec lui les deux parisiens dans son ascension : « Ce morceau a littéralement changé ma carrière. Le point sur lequel j’insisterais c’est qu’on n’était pas préparés à ce succès parce qu’on ne savait pas que Django allait exploser ». Quelques semaines plus tard, surfant sur un buzz naissant qu’il n’est pas question d’étouffer, Lord Esperanza s’associe à Nelick sous l’entité Pala$$ et dévoile un nouveau projet intitulé « Acid Rose Garden ». Une douzaine de titres triés sur le volet parmi la quarantaine de morceaux enregistrés en l’espace d’un mois, toujours guidé par cette productivité insatiable.

On a tout de suite accroché musicalement et humainement avec Nelick. On s’est donné mutuellement des armes et des éléments de réponse

On l’a compris, le jeune Speranza fonctionne à l’humain, au gré des rencontres. S’il y en a bien une qui va changer le cours des choses, c’est celle avec Majeur-Mineur : « Il a changé mon rapport aux choses. C’est assez incroyable la place qu’il a pris en 1 an dans ma vie ». Réunis grâce au produteur Piège, une connaissance en commun, l’alchimie est immédiate lorsqu’ils se rencontrent. Sur les 10 premières productions qu’il lui fait écouter, Lord en choisit 8 et commence à travailler des morceaux. Les rôles de Majeur-Mineur sont multiples : manager, directeur artistique, beatmaker, même lorsqu’il ne produit pas, il retouche, arrange, conseille. Il devient en l’espace de quelques semaines la pierre angulaire de sa carrière, synthétisant avec lui ses influences multiples pour former un univers unique. Un voyage de deux mois chez sa belle mère aux USA lui permettra de mettre sur papier un bon nombre de morceaux, formant peu à peu l’esquisse du « Drapeau Noir ».

Un grand pas pour l’homme

Depuis petit, Lord Esperanza bénéficie d’une transmission culturelle parentale. Lorsque sa grand-mère le traîne à la Comédie-Française pour voir Roméo et Juliette, le jeune rappeur reste subjugué devant le génie de Shakespeare. Une phrase en particulier raisonne en lui « sur le drapeau noir de la mort ». Deux jours plus tard, en lisant Baudelaire, il tombe sur « il avait le drapeau noir planté sur le front ». À cette période, le drapeau noir est également synonyme d’État Islamique, et de la piraterie noire enclenchée par Booba. Autant de références qui nourissent l’idée de ce titre pour son nouveau EP : « C’est un projet revendicateur quelque part, et il y a aussi un aspect plus poétique de part les références ». L’idée de première pierre à l’édifice, faisant fi de son premier projet jugé pas assez professionnel, germe dans son esprit. À la manière de Neil Armstrong le 21 juillet 1969, Lord Esperanza plante son « Drapeau Noir » sur le Rap français le 3 mars 2017.

Gims dit « J’suis en concert sur la lune », l’idée c’est qu’on se pète là haut (rires)

Dans ce projet, le rappeur parisien aborde des sujets sensibles : les relations conflictuelles avec son père, une mère en dépression et une désillusion amoureuse « J’ai beaucoup parlé de mes démons antérieurs. Drapeau Noir est un EP relativement thérapeutique, il parle beaucoup de femme ». Le titre contraste avec la cover, réalisée par Sanjill, qui représente, sous le symbole d’un buste de femme blanc, toutes les femmes qu’il a pu croiser au cours de sa vie. Si la cover joue dans le figuratif, c’est parce que le rappeur accorde beaucoup de place à l’image dans son projet. Entouré de quelques bons amis, dont il ne cesse de vanter les mérites, Lord surprend à chaque nouveau clip extrait du projet. Mims, Rémi Verdel et 3:14 sont les trois artisans bâtisseurs de son image « Quand je travaille avec ces gens là, je leur donne carte blanche parce que je crois en eux et que je suis persuadé de leur talent ». En parlant d’image, il nous confie son ambition, à long terme, d’intégrer le milieu du cinéma, à l’instar de Kaaris ou Nekfeu dernièrement « À croire que le rap n’est qu’une porte d’entrée pour atteindre d’autres sphères ».

Depuis la sortie de « Drapeau Noir », Lord Esperanza a envoyé deux inédits aux raisonnances bien distinctes. Le premier, « Encore elle », a beaucoup surpris sa fanbase et a essuyé un revers nuancé. Si les mentalités ne sont pas encore prêtes à accepter ses expérimentations, il ne semble pas heurté, au contraire « C’est un morceau dont je n’ai pas à rougir. En toute humilité, je suis fier d’avoir ce côté avant-gardiste par moment, sur certaines chansons. Je sais que les gens finiront par comprendre ma démarche ». Par la suite, « Noir » rassure et vient conforter l’attente autour de son futur projet. Récemment à l’affiche du festival Solidays, il se remémore ce souvenir comme l’un de ses meilleurs concerts : « La disposition de la scène permettait une interaction avec le public assez marrante. J’ai rappé à l’étage, puis au milieu du pogo dans la foule, avec 700 jeunes entre 14 et 16 ans sous vodka (rires) ».

L’auto-proclamé enfant du siècle a fait part de ses ambitions. Il prépare actuellement une tournée dans toute la France, la Belgique et la Suisse, ainsi que certains festivals pour l’année prochaine. En parallèle, il a planché sur son prochain projet qui devrait arriver incessament sous peu. À peine 20 ans et déjà des aspirations lunaires, Lord Esperanza est bien parti pour conquérir ses rêves.

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